La définition au service de la polémique dans les pamphlets d’Agrippa d’Aubigné
Éliane Kotler
Kotler, Éliane, « La définition au service de la polémique dans les pamphlets d’Agrippa d’Aubigné », Réforme, Humanisme, Renaissance, vol. 84, no. 1, 2017, p. 25-46.
Extrait de l’article
Aborder les questions liées à la définition à propos de textes du XVIe siècle ne va pas sans poser problème : dans le dessein de montrer comment la définition participe de l’écriture polémique d’Agrippa d’Aubigné dans ses deux pamphlets la Confession du Sieur de Sancy et les Avantures du baron de Faeneste, j’ai fait le choix de me fonder sur les deux approches, rhétorico-pragmatique dans le lignée des dialecticiens de l’Antiquité, et discursive prenant en compte l’apport contemporain de l’analyse du discours.
J’ai ainsi été amenée à constater que l’argumentation fondée sur la figure de la définition pouvait se couler dans deux structures différentes, prenant soit la forme d’énoncés de dénomination ou de signification faisant appel à des verbes comme « appeler », « nommer », « vouloir dire », soit celle d’énoncés de classification construits à partir de structures attributives ou appositives. La première catégorie d’énoncés définitoire se réalise dans des structures dialoguées ou dialogiques. C’est le cas essentiellement dans les Avantures du Baron de Faeneste où les échanges dialogués sont l’occasion ou le prétexte de querelles dénominatives fondées sur des définitions descriptives ; les définitions choisies par chacun des protagonistes de l’échange participent alors de la construction de l’ethos des personnages et dessinent la frontière entre deux univers, celui de l’être d’un côté, celui du paraître de l’autre, associés aux valeurs respectivement prônées ou rejetées par le polémiste. Relèvent également de cette première catégorie d’énoncés, et cela dans chacun des pamphlets, les jeux sur la définition fondés sur la reprise en mention du discours d’un personnage que l’on entend disqualifier par la confrontation des mots qu’il emploie au réel.
’autre type d’argumentation, fondée sur des énoncés définitoires de classification, relève davantage de la sémantique. A la différence des énoncés de dénomination, ils ne mettent pas en cause la dénomination mais l’explicitent. C’est ainsi que les cibles habituelles d’Agrippa d’Aubigné comme la Cour ou l’Eglise romaine ou encore quelques personnages célèbres comme le cardinal Du Perron, font l’objet de définitions surprenantes et dégradantes à la fois, portées par diverses structures grammaticales, mais aussi par des jeux fondés sur une étymologie parfois fantaisiste ou sur de simples rapprochements censés mettre en lumière la véritable nature des êtres ou des choses cachée sous une apparence aussi avantageuse que fallacieuse.
En conclusion j’essaie de montrer que l’argumentation fondée sur la définition fonctionne de façon différente dans les deux pamphlets. Dans le Faeneste elle participe de la caractérisation, plutôt burlesque, de personnages stéréotypés, tandis que dans le Sancy elle joue un rôle dans la satire religieuse et politique. Par ailleurs il nous faut observer que se manifeste dans ces œuvres un intérêt pour le lexique qui semble être une nouveauté.
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