Les Mémoires de Pierre de l’Estoile dans la bibliothèque du duc de Saint-Simon
Gilbert Schrenck
Schrenck, Gilbert. Les Mémoires de Pierre de l’Estoile dans la bibliothèque du duc de Saint-Simon, Cahiers Saint-Simon, n° 40, 2012. Les Mémoires de la bibliothèque du duc de Saint-Simon, p. 13-24.
Extrait de l’article
Pierre de L’Estoile et Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, comptent l’un et l’autre parmi les mémorialistes majeurs de leur temps, comme en témoignent leurs Mémoires qui offrent au lecteur la peinture accomplie des règnes respectifs de leur siècle. Deux mondes en écho, deux univers en correspondance, que tout sépare dans le temps, mais que réunit une volonté commune de lever le voile sur les ressorts du pouvoir royal. Pour n’être que très parcimonieusement présents dans l’œuvre de Saint-Simon, les Mémoires de L’Estoile ne posent pas moins un cas intéressant de sa réception littéraire au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles.
En tout et pour tout, trois brèves occurrences apparaissent dans l’immense massif saint-simonien, dont deux figurent dans l’inventaire de la bibliothèque ducale dans la rubrique des Mémoires que le duc avait acquis en 1719 et 1732. La troisième, qui constitue en fait l’unique référence directe au mémorialiste du XVIe siècle, se trouve dans le Parallèle des trois premiers rois Bourbons de 1746, dans lequel Saint-Simon entreprend l’étude comparée d’Henri IV, de Louis XIII et de Louis XIV. Pour sporadiques qu’ils soient, ces renvois constituent des indicateurs précieux sur la réception «stellaire », à un moment où Saint-Simon fréquente assidûment la Cour entre 1691 et 1723 et où il entame la rédaction de son œuvre dans les années 1740. Même si l’on ignore la manière précise dont le futur chroniqueur a lu l’œuvre de son devancier et s’en est inspiré, son appropriation ne put se faire que sur le mode de l’investigation érudite, dont Saint-Simon était coutumier, lorsqu’il entreprenait l’étude des historiens et des mémorialistes. Lecture, certes, assez tardive, relativement discrète aussi, mais sous-tendue par un intérêt réel qu’atteste la place régulière dans sa bibliothèque des Mémoires à partir de 1719.