« Les vrais favoris d’Apollon ». L’identité poétique, compétence littéraire ou qualification sociale ?
Isabelle Luciani
Isabelle Luciani, « "Les vrais favoris d’Apollon". L’identité poétique, compétence littéraire ou qualification sociale ? », Rives nord-méditerranéennes, série "Jeunes Chercheurs", 2001.
Extrait de l’article
Au XVIIe siècle, l’opposition du poète au « versificateur » relève de ces "topoi" efficaces qui traversent les recueils de lieux communs. On peut lire ainsi dans le "Chaos" manuscrit de l’Arlésien Rebatu :
Declamare : […] Horace, le poëte lyrique, ... assure qu’il n’y a rien au monde qui doive être plus redouté qu’un versificateur.
Muses : […] Le nom de ces Muses et leurs offices servent à guider les poètes et faiseurs de vers…
Paupertas : […] Toute la septieme Satyre de Juvenal ne parle d’autre chose sinon que les poètes et ceux qui courtisent les Muses meurent de fin dans Rome…
L’héritage humaniste a renforcé cet usage : il faut être né poète, et seule la Fureur fait accéder à la divine musique du monde céleste. Mais au-delà du topos, la dichotomie des représentations renvoie à celle du langage poétique : aux frontières d’une « littérarité » encore indéfinissable, le poids des poètes amateurs désigne une pratique d’écriture fortement socialisée, mobilisant une culture commune et engendrant des pratiques mondaines, au moins autant qu’une spécialisation littéraire.