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Marguerite de Valois et l’écriture de histoire, 1574-1614
Éliane Viennot
Éliane Viennot, « Marguerite de Valois et l’écriture de histoire, 1574-1614 », Études Épistémè, 17, 2010
Extrait de l’article
Dans l’ouverture de ses Mémoires, au sein de ce que Philippe Lejeune identifiera un jour comme un « pacte autobiographique », Marguerite de Valois fait une déclaration péremptoire :
Je tracerai mes Mémoires, à qui je ne donnerai plus glorieux nom, bien qu’ils méritassent celui d’Histoire, pour la vérité qui y est contenue nûment et sans ornement aucun, ne m’en estimant pas capable, et n’en ayant aussi maintenant le loisir.
La fille d’Henri II et de Catherine de Médicis trace ainsi, dans la dernière décennie du XVIe siècle, une ligne de démarcation entre les deux genres qui perturbe le lecteur et la lectrice modernes. Nous sommes en effet plus habitué-es à penser l’Histoire comme un récit objectif visant le vrai, et pour cela peu apprêté, et les Mémoires comme un récit subjectif, partiel, subtilement arrangé pour présenter leur auteur ou leur autrice sous son meilleur jour. Sans m’arrêter à la simplicité, voire la naïveté qui sous-tend ces idées reçues (assez récemment d’ailleurs), j’aimerais, dans un premier temps, revenir sur ce qui poussait les contemporains de Marguerite à partager son point de vue. Puis je montrerai que la reine s’éloigne pourtant de ses devanciers, inaugurant le grand genre des Mémoires aristocratiques à partir d’une conception de l’Histoire intrinsèquement liée à son statut social. Enfin, j’essaierai de montrer qu’elle se livre dans plusieurs de ses écrits à des démonstrations ordinairement réalisées au moyen de l’Histoire, mais qu’elle entend pour sa part mener autrement, fidèle à son but de devenir objet de l’Histoire, elle qui en était forcément – substantiellement – un sujet.
