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Quelle Renaissance pour la renaissance de l’étrenne ? Problèmes de périodisation autour d’un genre poétique
Mathilde Vidal
VIDAL Mathilde, « Quelle Renaissance pour la renaissance de l’étrenne ? Problèmes de périodisation autour d’un genre poétique », Réforme, Humanisme, Renaissance, 2018/1 (N° 86), p. 97-109.
Extrait de l’article
Natalie Zemon Davis, dans son Essai sur le don dans la France du XVIe siècle, rappelle que le 1er janvier était « la journée la plus importante de don public dans toute l’année » et que cette occasion donnait lieu, à cette époque, à une production littéraire. Les poètes rédigeaient, offraient, et surtout publiaient leurs étrennes en guise de présent de nouvel an. Ce que ne dit pas Natalie Zemon Davis, c’est l’extension considérable du phénomène, et son succès. Elle cite Clément Marot et Charles Fontaine, qui sont en effet deux rédacteurs assidus d’étrennes, mais lorsque l’on tente de faire un inventaire de cette production, force est de constater d’une part que rares sont les poètes du XVIe siècle qui ne se sont pas essayés au don versifié de nouvel an et, d’autre part, que cette pratique dépasse largement la Renaissance. La tradition littéraire du poème de nouvel an remonte en effet aux livres de Xenia et d’Apophoreta des Épigrammes de Martial ; elle se poursuit au Moyen Âge, au XVIe siècle, bien entendu, mais également aux XVIIe et XVIIIe siècles ; on la retrouve même réinvestie encore plus tard par Mallarmé avec les Dons de fruits glacés au Nouvel An. L’étrenne traverse donc les siècles, dépasse les écoles et les courants poétiques et, de surcroît, se coule dans quasiment toutes les formes versifiées.
L’entreprise qui consiste à rassembler et surtout à circonscrire le corpus de ces poèmes de nouvel an pour en dégager sinon l’unité, au moins des éléments de poétique transversaux, oblige donc à se confronter aux frontières chronologiques et disciplinaires, à interroger la pertinence de ces cadres théoriques dans lesquels il faut bien admettre que la pratique de l’étrenne n’entre pas tout à fait. D’un point de vue méthodologique, plusieurs questionnements se font jour : est-il préférable d’adopter le corpus le plus large possible afin d’étudier le genre de l’étrenne dans son ensemble ? Ou bien faut-il restreindre ce corpus à une période plus précise et s’inscrire ainsi dans la logique de distinction entre les siècles littéraires, en choisissant d’observer l’étrenne à travers le prisme médiéviste, seiziémiste, ou dix-neuviémiste, par exemple ? Et dans ce cas, sur quels critères se fonder pour déterminer des bornes chronologiques qui soient pertinentes pour l’étude de cette pratique ?
