Rois dormants et montagnes magiques
Gilles Lecuppre
Lecuppre, Gilles, "Rois dormants et montagnes magiques", dans Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public. 34e congrès, Chambéry, 2003. Montagnes médiévales, p. 345-354.
Extrait de l’article
Quoique humanisée dans une large mesure, comme la majorité des communications l’a montré, la montagne conserve un versant imaginaire qui la rapproche irrésistiblement, au même titre que la mer, le désert ou la forêt, de la nature sauvage et de l’envers de la civilisation. Difficile d’accès, impressionnante par son altitude, ses formes massives et torturées, son silence et ses mystères, elle voisine depuis peu avec la catégorie esthétique kantienne du sublime et, pour l’homme médiéval, elle est certainement un domaine propice à la manifestation du merveilleux. Si elle peut servir de frontière, dans la littérature, le folklore et les mentalités, c’est qu’elle borne des royaumes d’aspect mythique, où héros et égarés trouveront le lieu et l’occasion du défi, de la prouesse et de l’initiation. Comme les espaces boisés, la montagne est un endroit dans lequel on se perd pour mieux se retrouver, mais également un lieu de refuge où l’on attend son heure. Elle offre en outre cette particularité de constituer un point d’accès à un au-delà partiel, où ceux qui ont quitté la société des vivants retrouvent leurs forces dans la félicité ou paient le prix de leurs crimes dans la fournaise volcanique.