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Rolandine, ou «II n’y a pas d’amour heureux» : quelques remarques à propos de la XXIe nouvelle de l’«Heptaméron»

Simone de Reyff

Simone de Reyff, "Rolandine, ou «II n’y a pas d’amour heureux» : quelques remarques à propos de la XXIe nouvelle de l’«Heptaméron»", dans Bulletin de l’Association d’études sur l’humanisme, la réforme et la renaissance, année 1990, volume 30, numéro 30, p. 23-35.

Extrait de l’article

Qui s’amuserait à déceler dans l’Heptaméron l’esquisse de formules narratives promises à une éclosion plus ou moins hâtive, à un développement plus ou moins fécond - nouvelle sentimentale, histoire tragique, veine «réaliste» - serait peut-être tenté de voir dans le récit qui ouvre la Troisième Journée une préfiguration en miniature du roman à connotation historique, tel qu’il s’épanouira vers la fin du XVIIe siècle. En effet, les personnages principaux de cette vingt-et-unième nouvelle ont été clairement identifiés : Rolandine est le pseudonyme transparent d’Anne, fille du vicomte Jean de Rohan, lequel, pour avoir servi les intérêts de la couronne avant ceux du duché de Bretagne, attira longtemps sur lui et sur les siens l’inimité de la reine Anne. C’est donc la cour de Charles VIII - ou de Louis XII - qui servira de cadre à l’évolution de notre héroïne. Et sans doute ne serait-il pas inopportun d’interroger le regard que pose Marguerite sur un monde encore très proche du sien, mais qui revêt déjà pour elle les nuances pastel d’une époque révolue.

Tel ne sera pourtant pas l’objet d’une enquête que nous avons préféré borner à des caractéristiques plus saillantes de ce texte. L’histoire de Rolandine et de ses amours contrariées n’est pas seulement une des nouvelles les plus développées du recueil : elle frappe l’esprit par la remarquable complexité d’une intrigue au demeurant très cohérente, ainsi que par la multiplication de procédés narratifs dont les registres contrastés n’ont apparemment rien de gratuit. De prime abord, on risque d’être séduit, au fil de ces pages, par l’acuité psychologique croissante qui situe Rolandine très au-dessus de la majorité des demoiselles éplorées dont l’Heptaméron répercute les plaintes souvent bien timides. Ce constat, tout légitime qu’il est, ne devrait pourtant pas retenir exclusivement notre attention. En effet, dans la structure globale de ce récit aussi bien que dans les matériaux qui tissent ses diverses composantes, nous avons cru reconnaître, bien au-delà d’une série d’approches psychologiques réussies, les principes mêmes d’une vision du monde conforme par plus d’un aspect aux intuitions profondes qui régissent l’œuvre de Marguerite.

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