Sur le statut d’homme de lettres au XVIIe siècle. La correspondance de Jean Chapelain (1595-1674)
Christian Jouhaud
Christian Jouhaud, "Sur le statut d’homme de lettres au XVIIe siècle. La correspondance de Jean Chapelain (1595-1674)", dans Annales, année 1994, volume 49, numéro 2, p. 311-347.
Extrait de l’article
Fort déconsidéré après sa mort, tourné en ridicule pour sa Pucelle (poème épique long de trente mille vers), Jean Chapelain avait pourtant, de son vivant, connu une carrière éclatante. Il avait exercé une sorte de leadership dans le monde social des écrivains. Poète, théoricien de la littérature, académicien, figure éminente de l’Hôtel de Rambouillet, consulté par Richelieu, par Mazarin, puis par Colbert, fort riche, fort écouté, courtisé, il avait été au plein sens du terme une autorité.
Malgré une bibliographie abondante et ancienne, il reste bien des zones d’ombre sur l’ascension et la puissance de Chapelain. Je ne me propose pas ici de les faire disparaître, mais, grâce à sa correspondance, d’approcher la question de son identité sociale. Le mot identité ne désigne pas ce qui individualiserait Chapelain par rapport à un ensemble de littérateurs à la carrière moins —ou plus— brillante que la sienne. Mais, au contraire, il permet d’associer un ensemble de traits, saisis grâce à la visibilité de sa position et à l’opportunité documentaire offerte par ses lettres, qui sont susceptibles de définir, au sens géométrique du terme, l’espace social de ses actions et, par là, son statut. Quel type de position sociale occupait un homme de lettres qui avait réussi ? Que faisait-il ? Quelles étaient ses relations ? Comment se représentait-il le monde social ? Et surtout comment agissait-il lui-même pour améliorer sa position, éviter les échecs ? Avec qui ? Pour qui ? Contre qui ? En quoi la littérature a-t-elle informé et modelé de manière spécifique son rapport à l’action, aux hiérarchies sociales, à la politique, ou l’inverse, indiscernablement ?