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Un oublié de l’histoire littéraire : le roman en vers composé en français vers 1500
Pascale Mounier
MOUNIER Pascale, « Un oublié de l’histoire littéraire : le roman en vers composé en français vers 1500 », Réforme, Humanisme, Renaissance, 2018/1 (N° 86), p. 111-115.
Extrait de l’article
L’existence d’une poignée de récits de fiction en vers composés en français aux alentours de l’an 1500 soulève de façon intéressante la question des difficultés de la constitution de corpus dans le domaine des études littéraires sur la Renaissance. Les œuvres en question ont été pratiquement toutes oubliées à partir du milieu du XVIe siècle jusqu’à aujourd’hui : rarement mentionnées par les bibliographes anciens, elles restent peu étudiées et en partie seulement éditées par la critique. Pas même jugées comme éphémères et désuètes, elles demeurent en quelque sorte invisibles pour l’histoire de la littérature de la Renaissance comme pour celle du Moyen Âge. Comment les voir alors ? En considérant qu’elles pâtissent du fait qu’elles mettent à l’épreuve frontières disciplinaires, en voyant dans quelle mesure on peut les rattacher aujourd’hui à une forme distinctive d’écriture et en suggérant une méthode à mettre en œuvre pour les analyser conjointement.
De tels récits n’entrent dans les champs d’investigation canoniques ni des spécialistes de Moyen Âge ni de ceux de la Renaissance. Ceux qui ont été écrits avant 1500 souffrent de la difficulté psychologique qu’il y a pour les littéraires à lever la barrière de séparation de deux périodes, alors que les travaux des historiens de la politique et des mentalités ainsi que plus récemment ceux des linguistes ont largement promu une vision continuiste des changements entre 1400 et 1550. Le support premier de diffusion étant en outre le manuscrit, que l’imprimé vienne ou non en second temps, les seiziémistes ne sont pas très assurés pour entreprendre des analyses de fond, et moins encore des éditions critiques ; ils s’en tiennent au mieux aux versions imprimées, sans s’interroger suffisamment sur la facture originelle des œuvres et sur le choix du manuscrit, donc d’une diffusion confidentielle, à l’époque du « livre conquérant ».
