L’entourage de la comtesse de Verrue : une circulation originale des œuvres d’art
Noémie Wansart
Wansart, Noémie. L’entourage de la comtesse de Verrue : une circulation originale des œuvres d’art, Cahiers Saint-Simon, n° 37, 2009. Mécènes et collectionneurs, p. 3-16.
Extrait de l’article
La comtesse de Verrue (1670-1736) reste une des figures centrales du collectionnisme parisien au XVIIe siècle. Sa vie rocambolesque, ses goûts, ses collections avaient déjà suscité l’intérêt de ses contemporains : Saint-Simon ainsi que son oncle, le duc de Luynes, l’ont citée fréquemment. La comtesse de Verrue est restée célèbre surtout pour son extraordinaire collection de tableaux, notamment de maîtres français et nordiques. On oublie souvent que la comtesse se situait au cœur d’un réseau de collectionneurs, d’hommes de lettres, de parlementaires, comme l’indique Saint-Simon, «[elle a su se] former une cour (...) sans l’avoir jamais faite à personne ». Il est intéressant de constater que toutes ces personnes s’étaient immensément enrichies dans le système Law, grâce à leurs relations avec les familles d’Orléans ou de Condé. Et tous ces Mississipiens se piquaient d’avoir le goût des arts.
En effet, dans les années 1720, ils formèrent de riches bibliothèques, d’importantes collections de tableaux, de bronzes, de porcelaines, qui étaient alors à la pointe de la mode. L’étude de leurs collections est rendue difficile par le peu de documentation : rares Catalogues de ventes, témoignages de contemporains tels que le Voyage pittoresque de Dezallier d’ Argenville (1749) et surtout actes notariés inédits, testaments et inventaires après décès. Le recoupement de ces sources fait apparaître des goûts partagés pour la peinture nordique et française. Cet engouement pour les Fijnschilders, au détriment des peintres italiens, annonce pleinement le goût du XVIIIe siècle. Par ailleurs, ces sources montrent une circulation des œuvres d’art tout à fait originale au sein de ce cercle. Alors que des travaux récents, comme ceux de François Marandet, mettent en évidence le rôle joué par les marchands merciers dans le développement du goût et la flambée des prix de la peinture nordique, il parait opportun de souligner les échanges intenses et incessants, qui font toute l’originalité de ce cercle, et qui ont sans nul doute permis la propagation des modes.