Le pouvoir absolutiste face aux manières conviviales des cercles au XVIIe siècle
Claudine Haroche
Claudine Haroche, "Le pouvoir absolutiste face aux manières conviviales des cercles au XVIIe siècle", dans Politix, 1994, n° 26, p. 67-75.
Extrait de l’article
En 1634, de façon abrupte, le cardinal de Richelieu fait savoir qu’il souhaite interrompre les réunions du cercle Conrart. Pendant trois ou quatre ans s’y étaient rassemblés quelques huit ou neuf bourgeois lettrés, souhaitant, d’après certains témoignages, que leurs réunions gardent un caractère discret. En agissant ainsi, Richelieu brise un rythme convivial et amical, un rythme de sociabilité privée pour le soumettre à un rythme politique relevant de l’espace public. Le Cardinal fait alors de ce cercle une compagnie, un corps soumis à l’autorité de l’État : l’Académie française.
C’est par un geste politique exemplaire que le cardinal de Richelieu prend une série de mesures très pratiques pour contrôler ces réunions privées, désormais soumises à un style, un rituel, une finalité qu’elles ignoraient jusqu’alors. A la sociabilité privée, libre et relativement informelle d’un cercle, d’un groupe où le plaisir d’être ensemble, de converser, la proximité, le commerce avec autrui, l’écoute de la parole de l’autre, la sympathie et l’amitié constituent les raisons d’être, va alors se substituer une sociabilité plus formelle, en voie d’institutionnalisation, et dont la finalité politique est manifeste : le cercle Conrart est transformé en un corps académique et littéraire au service de l’État.