Boucher et la pastorale peinte
Alastair Laing
Alastair Laing, " Boucher et la pastorale peinte", dans Revue de l’Art, année 1986, volume 73, numéro 1, p. 55 - 64.
Extrait de l’article
« Ne me tirerai-je jamais de ces maudites pastorales ? » (Diderot, Salon de 1765).
La pastorale a longtemps joui d’une place honorable dans la tradition littéraire européenne, qu’elle ait été ou non le moyen pour les classes possédantes de s’approprier la campagne que l’on dénonce aujourd’hui. La pastorale peinte a eu une existence moins soutenue et son histoire n’a pas fait l’objet d’une étude approfondie. On a surtout analysé des cas de déguisement, de portraits historiés, et les cas de représentation de personnages ou d’épisodes du répertoire classique de la pastorale littéraire — avec lesquels les premiers se confondent parfois.
Le discrédit dans lequel la pastorale est tombée depuis le XVIIIe siècle, et la répugnance inspirée par l’irréalité plus flagrante de ses manifestations picturales expliquent peut-être qu’on ait méconnu l’originalité de Boucher dans l’élaboration d’un mode nouveau de pastorale peinte et qu’on ne l’ait jamais étudiée convenablement. Si The Hireling Shepherd de William Holman Hunt, d’un caractère moralisateur plutôt simpliste, a fait couler beaucoup d’encre, les bergers et les bergères de Boucher n’ont jamais paru dignes d’une attention sérieuse. On n’y a guère fait allusion que pour répéter négligemment la mauvaise interprétation formulée dès le XVIIIe siècle qui en faisait l’équivalent en peinture des églogues de Fontenelle.
L’originalité de Boucher avait toutefois déjà été reconnue par un ou deux de ses contemporains les plus avertis. Parmi ceux-ci, l’abbé Le Blanc parlait de façon catégorique d’« un genre dont M. Boucher est le créateur ».