"Ce joli morceau". Le Royaume de l’amour de Watteau
Martin Eidelberg
Eidelberg, Martin, "Ce joli morceau". Le Royaume de l’amour de Watteau, dans Revue de l’Art, 1999, n° 1, p. 39-46.
Extrait de l’article
La mise au jour d’une œuvre inconnue de Jean-Antoine Watteau est un événement rare. Aussi se réjouit-on doublement de l’apparition de l’une de ces peintures ignorées, Le Royaume de l’amour, une toile de tout petit format, qui mesure à peine 13,5 X 17,7 cm. Au centre, un amour blond au joli minois est drapé dans un bout d’étoffe rosé vif qui tient par miracle autour de ses hanches. Alentour, divers enfants vaquent à des occupations de mise au pays de Cupidon. À notre gauche, l’un d’eux pointe son arc
vers une cible accrochée à un arbre, sous le regard de deux couples d’enfants énamourés. À notre droite, un amour brandit triomphalement une flèche, un autre aiguise la sienne sur une pierre et un troisième vérifie le tranchant de son arme. A l’extrême droite, un jeune satyre aux oreilles pointues et aux jambes velues s’appuie nonchalamment contre un arbre, contemplant la scène, paupières baissées.
Le Royaume de l’amour a beau sortir tout juste de l’obscurité, il a un historique aussi complet que celui de bien des tableaux célèbres de Watteau. Sa gravure ne figure pas dans le Recueil Jullienne commencé dans les années 1720, ce qui aurait permis de déterminer à qui il appartenait peu après la mort de l’artiste. Toutefois, on a la chance de pouvoir suivre sa trace dans le dernier quart du XVIIIe siècle, et jusqu’au milieu du XIXe.