Fragonard : un nouvel examen
Jean-Pierre Cuzin
Jean-Pierre Cuzin, "Fragonard : un nouvel examen", dans Revue de l’art, année 1988, volume 80, numéro 80, p. 83-87.
Extrait de l’article
Un désaccord important a trait aux tout débuts de la carrière de Fragonard : P. Rosenberg, en laissant le débat ouvert, incline comme l’ont fait tous les historiens de Fragonard à placer les nombreuses toiles, souvent décoratives, peintes dans la manière de Boucher, avant 1752, moment où Fragonard obtient à vingt ans le Prix de Rome ; nous les croyons peintes entre 1752 et 1756, au temps de la pension comme « Elève protégé », avant le départ pour Rome. Fragonard a-t-il bien été l’élève de Boucher avant 1752 ? On peut, par méthode, s’interroger. P. Rosenberg remarque lui-même qu’il faut attendre un document du 18 mai 1753 pour voir Fragonard qualifié d’« élève de M. Boucher ». Les dires de Théophile, le petit-fils de Fragonard, né l’année de la mort de celui-ci, sont-ils entièrement dignes de foi ? Il faut souvent se le demander. Est-il absurde de supposer que Fragonard ne soit devenu vraiment l’élève de Boucher qu’après avoir obtenu le prix de Rome, durant les neuf mois où il attendait qu’une place se libérât à l’Ecole des Elèves Protégés ? Il a pu, les années suivantes, rester en relation avec le peintre et s’imprégner alors de son style ; être en même temps l’élève de Boucher et celui de Van Loo : ce qui, avouons-le, rendrait bien compte de son style, de ses styles d’alors.