Le mythe de Vénus & Adonis à l’épreuve de la tradition iconographique
Isabelle Schwartz-Gastine
Isabelle Schwartz-Gastine, "Le mythe de Vénus & Adonis à l’épreuve de la tradition iconographique", dans Dix-septième siècle, année 2002, volume 1, numéro 214, p. 99-126.
Extrait de l’article
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Pendant son règne (1515-1547), François Ier renouvela les échanges avec l’Italie et appela de nombreux peintres italiens à sa cour. C’est ainsi que trois peintres italiens, eux-mêmes influencés par les plus grands maîtres, produisirent de nombreux tableaux qui ornèrent les différents châteaux. Il s’agit de Rosso, né à Florence en 1495, appelé à la cour en 1530, du Primatice et de Nicolo dell’Abbate, qui décorèrent le château de Fontainebleau. Durant les dix années qui lui restent à vivre (il meurt en 1540, la même année que Le Parmesan) Giovanni Battista di Jacopo, dit Fiorentino Rosso, créa un nouveau style décoratif et introduisit le maniérisme en France. À sa suite, des artistes formeront ce qu’il a été convenu d’appeler l’École de Fontainebleau, pour laquelle on peut retenir les noms de Jean Clouet, d’origine flamande, célèbre pour ses portraits, et de son fils François. Selon le vœu des différents monarques qui se succèdent (François Ier, Henri II, François II, Charles IX), les arts reflètent le culte de « cette élégance raffinée et luxueuse », la place prépondérante de la littérature classique et « le goût de la nature ». Sur un bois de petit format, Vénus pleurant la mort d’Adonis reprend certaines caractéristiques issues de l’art italien : un arrière-plan très complexe, aux nombreuses fractures et au paysage varié, qui part du plus sombre dans cette forêt isolée, au plus clair vers l’infini d’un ciel lumineux, en passant par une scène minuscule et peu visible, mais très importante, en bordure de la forêt, au milieu du tableau à droite. Quatre angelots effectuent une sorte de danse autour d’un sanglier, celui sans doute qui a porté un coup fatal à Adonis. Au premier plan, Cupidon pleure la mort d’Adonis, étendu au sol de côté, la tête reposant sur un socle surélevé, comme un gisant en habit. Vénus, le sein découvert comme le dit la fable, mais vêtue de riches habits très ornés, se penche au-dessus de lui, assistée de trois Grâces dans la lignée des figures allongées du Parmesan et vêtues de drapés incolores comme chez Botticelli. Est-elle en train de verser le « nectar embaumé » ? On remarquera que, malgré certains titres généraux, à cette période, l’inspiration des peintres privilégie les représentations de la mort du héros. La suite va changer les perspectives.