Le salon d’Hercule à Versailles
Claire Mazel
Claire Mazel, « Le salon d’Hercule à Versailles », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, 2018.
Extrait de l’article
Le salon d’Hercule à Versailles, par son décor de marbres commencé en 1712, puis par son plafond à sujet mythologique inauguré en 1736, paraît dans la continuité du Versailles louis-quatorzien. Cependant, rien n’est moins vrai. Tout d’abord, le phénomène que décrit Gérard Sabatier d’un usage progressivement culturel des programmes monarchiques, qui rapidement l’emporte sur tout autre, d’une « utilisation muséale » de Versailles, trouve son prolongement dans ce salon où sont exposés aux yeux des spectateurs les beaux marbres, les deux tableaux de Véronèse et la grande composition de François Lemoyne. Ensuite, s’y approfondit le divorce entre représentation du souverain et glorification allégorique. Paradoxalement, l’indifférence croissante à l’égard du message politique au profit du seul intérêt artistique, le « crépuscule des images symboliques », explique peut-être que n’ait pas été ressentie, jusqu’à aujourd’hui, la révolution qu’opérait la substitution du sujet au souverain dans l’identification du portrait mythologique : en 1736, derrière Hercule se cachait non plus le prince, mais l’homme au service de son roi et de sa patrie, c’est-à-dire son sujet.