Les déboires de Diane au château de Fontainebleau
Kathleen Wilson-Chevalier
Wilson-Chevalier, Kathleen, Les déboires de Diane au château de Fontainebleau, Albineana, Cahiers d’Aubigné, 14, 2002. Le mythe de Diane en France au XVIe siècle, sous la direction de Jean-Raymond Fanlo et Marie-Dominique Legrand, p. 409-441.
Extrait de l’article
La figure de Diane surgissait çà et là dans les nombreuses fresques créées au château de Fontainebleau sous le règne du «grand Roy Françoys » , et de prime abord rien ne semble plus logique. L’existence même de cette résidence, dont l’importance allait croissant avec les années, ne s’explique-t-elle pas par la forêt de chasse qui l’englobait ? Pourtant, un seul des ensembles décoratifs réalisés avant la mort de François Ier accordait une place quelque peu centrale à cette protagoniste qui aujourd’hui gagnerait le prix de «Miss Bellifontaine » . Pour sa décoration d’une salle de l’appartement des Bains, aujourd’hui totalement disparu, Primatice, au début des années 1540, puisa dans les Métamorphoses d’Ovide l’histoire jusqu’alors peu illustrée de Diane et Callisto. Cette salle s’insérait dans une suite de trois pièces dont l’iconographie garde encore de multiples zones d’ombre. Mon étude analysera cette lecture royale peinte du texte ovidien, dans le but d’en décoder les enjeux politiques, intellectuels et sexuels. Un petit détour du côté de quelques autres entreprises contemporaines de Primatice permettra de récolter quelques éclaircissements utiles ; et Claude Chappuys, chargé de la librairie personnelle du roi, nous servira épisodiquement de guide. En effet, certains passages du Discours de la Court qu’il publia en 1543 aident à comprendre comment et pourquoi, dans cet univers où l’élite masculine et féminine du royaume partageait et se disputait le pouvoir, Diane la chaste chasseresse lunaire, à ce moment précis, était une déesse bien problématique. La disgrâce du connétable Anne de Montmorency, qui en 1541 provoqua un séisme majeur à la cour, sert de pivot à cette histoire : toutes les entreprises artistiques créées dans le sillage de cet événement, sans exception me semble-t-il, en portent la marque. Ce traumatisme étatique poussa le roi, secondé par une petite armée de fidèles serviteurs, à consolider son pouvoir par la mise en place d’une politique culturelle vigoureuse, qui visait à l’exalter en tant que dispensateur incontournable et de faveur et de défaveur. Au vestibule de la Porte dorée, les scènes que Primatice tira de l’Iliade d’Homère ont pour sous-texte le thème de la disgrâce. Ainsi, dans la fresque octogonale culminante, située à la deuxième travée de la voûte, un Jupiter au pouvoir absolu châtie sa femme et punit cruellement son fils Vulcain, à la suite des intrigues qu’ils ont fomentées contre lui.