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Les Heures du chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins et la peinture parisienne autour de 1440

Nicole Reynaud

Nicole Reynaud, "Les Heures du chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins et la peinture parisienne autour de 1440", dans Revue de l’Art, année 1999, volume 126, numéro 126, p. 23-35.

Extrait de l’article

On a lieu de s’étonner du nom­bre de manuscrits médiévaux inédits qui continuent de réapparaître en cette fin du XXe siècle. On s’étonne encore davantage quand surgit un manuscrit demeuré totalement in­connu, quoique ayant appartenu à l’un des personnages les plus éminents de la France du XVe siècle et portant ostensiblement tous ses in­signes de propriété. C’est ainsi qu’est dernièrement venu au jour le propre livre d’heures du célèbre chancelier de France Guillaume Jouvenel des Ursins, et la Bibliothè­que nationale de France a heureusement pu acquérir cet objet d’un intérêt patrimonial évident. L’ou­vrage a déjà été présenté par nous-même dans un bref article destiné à faire connaître son acquisition, au­quel nous renvoyons pour sa des­cription et pour les illustrations en couleurs qui l’accompagnent, ainsi que pour la biographie du célèbre commanditaire. L’apparition inattendue de ce livre, dont on peut dater et situer l’exécution vers la fin des années 1440 à Paris, invite à reconsidérer le peu que l’on connaît de la peinture parisienne avant le milieu du XVe siècle.

Les Heures de Guillaume Jouve­nel appartiennent à un groupe de manuscrits bien caractérisé par son style, œuvres d’un peintre — ou, plus exactement, d’une boutique — qui, par son abondante production, a occupé une place importante dans l’histoire de l’enluminure parisienne au milieu du XVe siècle. Connu au­jourd’hui sous le nom de Maître de Dunois — d’après le destinataire d’un des plus brillants livres d’heu­res de ce groupe — qui a remplacé son incommode appellation antérieure d’« Associé principal du Maître de Bedford », c’est en effet, comme l’a bien démontré Eleanor Spencer, un collaborateur plus jeune et qui restera un continuateur fidèle de l’enlumineur nommé le Maître de Bedford. Celui-ci, l’artiste le plus en vue à Paris entre 1420 et 1435 et le dernier grand représentant du style gothique international, avait dirigé à Paris l’atelier le plus florissant pen­dant l’occupation anglaise et travaillé tout particulièrement pour le duc de Bedford, régent de France au nom du jeune Henry VI d’Angle­terre, d’où son nom de convention. Il semble avoir disparu de la scène artistique au moment où mourait en 1435 son principal mécène et où les Anglais en recul abandonnaient Paris en 1436. Mais l’un de ses colla­borateurs, qui avait déjà participé à ses côtés à l’illustration de plusieurs des pages du Bréviaire de Bedford, prend alors le relais de l’atelier qu’il maintiendra en exercice pendant une trentaine d’années, en gardant l’essentiel de ses traditions en vi­gueur : c’est le Maître de Dunois, qui se met aussitôt à honorer les commandes de la nouvelle clientèle du milieu royal, pressée de profiter à son tour des ressources artistiques de la capitale qui lui étaient restées longtemps inaccessibles.

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