Miniatures inédites de Jean Fouquet : Les Heures de Simon de Varie
James H. Marrow
James H. Marrow, "Miniatures inédites de Jean Fouquet : Les Heures de Simon de Varie", dans Revue de l’art, année 1985, volume 67, numéro 67, p. 7-32.
Extrait de l’article
Le nombre des œuvres attribuées avec certitude à Jean Fouquet a peu augmenté depuis l’époque où le comte Paul Durrieu a établi la première liste faisant autorité des manuscrits et des peintures exécutés par « le plus grand peintre français du XVe siècle et l’une des plus grandes figures de l’histoire de la peinture ». Pour les œuvres sur bois, les seules additions ont été la Pietà de Nouans, découverte en 1931, et le Bouffon Gonella, longtemps mal attribué et qui n’a été rendu à Fouquet qu’en 1974 dans la brillante étude d’Otto Pächt. La découverte et l’identification de miniatures de Fouquet est un événement tout aussi rare, malgré les efforts constants des érudits. Les miniatures attribuables à la « jeunesse » (c’est-à-dire avant son voyage à Rome vers 1445) sont toutes controversées ; aucun manuscrit enluminé, attribué d’un commun accord à Fouquet, n’est apparu depuis les Heures de Jean Robertet, publiées pour la première fois en 1908 ; aucune miniature isolée de l’artiste n’a été retrouvée depuis la réapparition, il y a presque quarante ans, de deux feuillets provenant des Heures d’Etienne Chevalier.
Dans ces conditions, la découverte et l’identification d’un manuscrit jusqu’alors considéré comme perdu, décoré de miniatures certainement dues à Jean Fouquet, est un événement. Lors d’une visite à Warren R. Howell, doyen des librairies d’antiquariat de San Francisco, j’appris qu’un collectionneur de ses amis devait me montrer un manuscrit posant de nombreuses questions d’identification. Il s’agissait d’un livre d’heures français du milieu du XVe siècle. Le texte et les pages enluminées me frappèrent immédiatement par le choix des couleurs (blanc, rosé et bleu clair) des rinceaux marginaux et des enluminures. Les quatre miniatures de frontispice étaient d’un style très différent. C’était un ensemble tout à fait inhabituel : deux pleines pages avec des représentations héraldiques accompagnaient un diptyque figurant un donateur devant la Vierge trônant avec l’Enfant, le tout étant exécuté dans le style caractéristique de Jean Fouquet. Le manuscrit avait été acheté en 1979 à un libraire londonien, vieille connaissance du bibliophile. Ni l’un ni l’autre ne savait quoi que ce soit de l’histoire ni de l’auteur du manuscrit. Le collectionneur l’avait acheté pour la simple raison qu’il lui plaisait. Quand j’eus formulé l’avis que les quatre illustrations de frontispice pouvaient être de Jean Fouquet, Warren Howell eut la délicatesse de m’en proposer l’étude. Warren Howell y participa lui-même mais il devait mourir deux mois après notre rencontre. C’est pour commémorer la perte de cet estimable collègue et pour honorer son enthousiasme et son amitié, que cet essai, dont il n’a pu voir l’acheminement, est dédié à sa mémoire.