Images et société au début du XIe siècle : le décor sculpté de Saint-Benoît-sur-Loire et Saint-Germain-des-Prés
Barbara Franzé
Barbara Franzé, « Images et société au début du XIe siècle : le décor sculpté de Saint-Benoît-sur-Loire et Saint-Germain-des-Prés », Bulletin du centre d’études médiévales Auxerre, 22.1, 2018
Extrait de l’article
La tour-porche de Saint-Benoît-sur-Loire et la nef de Saint-Germain-des-Prés ont une histoire commune : toutes deux ont été élevées dans les années 1020-1030 par des ecclésiastiques proches du pouvoir capétien. L’analyse des décors sculptés de ces deux édifices, parmi les premières œuvres connues de l’âge roman, confirme les liens étroits alors tissés entre les deux protagonistes, les commanditaires ecclésiastiques et le souverain : ils donnent à voir et font valoir une certaine idéologie relative à la société et à son organisation. Formulée à l’époque carolingienne et toujours valable au moment de la réalisation des décors, cette idéologie est fondée sur une articulation tripartite de la société, dans laquelle chaque ordre (oratores, bellatores, agricolantes) agit en complémentarité dans une perspective eschatologique. Cette idéologie désigne par ailleurs les élites dirigeantes : les ecclésiastiques et le roi, voués à collaborer pour une juste gouvernance. À Saint-Benoît-sur-Loire, les deux pouvoirs se trouvent fortement valorisés à l’intérieur de la tour-porche, mais aussi sur la façade nord, en vis-à-vis du bourg. À Saint-Germain-des-Prés, dans un espace double partagé par les clercs et les laïcs, les prérogatives de chacun sont caractérisées : aux premiers la gestion du sacré et l’intermédiation avec le divin, au souverain la défense de la chrétienté. Dans les deux exemples étudiés, les intentions idéologiques poursuivies par les concepteurs nécessitent la formulation d’une nouvelle rhétorique par l’image. Celle-ci entre en cohérence et met à profit la métonymie, désormais établie, entre l’édifice ecclésial, fait de pierres, et l’Ecclesia, la communauté des fidèles.