La statue équestre de Francesco Sforza : Enquête sur un mémorial politique
Patrick Boucheron
Boucheron, Patrick, "La statue équestre de Francesco Sforza : Enquête sur un mémorial politique", dans Journal des savants, 1997, n° 2, p. 421-499.
Extrait de l’article
"Quel stupendo cavallo" : exposé au centre de la ville de Milan pour les festivités d’un mariage princier en 1493, le modèle de Léonard de Vinci, colosse en argile, suscite l’admiration des poètes . On veut y voir la promesse d’un projet colossal, élevant la gloire des princes à des hauteurs encore inconnues. Des princes, mais aussi de l’artiste, qui, par sa puissance de création, grandit le monde. La statue de Léonard, pour laquelle il inventa un procédé nouveau de fonte, eût été la plus grande jamais réalisée. Plus haute que le Gattamelata et que le Colleone, bien entendu ; mais plus haute également que le Marc Aurèle et tous les géants de l’Antiquité. La Renaissance est bien, comme l’écrit André Chastel, « l’âge des grandes impatiences » et les artistes ont rivalisé d’ardeur et d’audace sur le thème de la statue équestre comme, une génération auparavant, ils en avaient fait sur celui de la porte de bronze. Dans le désir de se mesurer à l’éternité du bronze, dont l’art antique s’était fait le maître, se jouait en somme l’idée même de Renaissance.