La reine Henriette-Marie et l’influence française dans les spectacles à la cour de Charles Ier
Jean Jacquot
Jean Jacquot. La reine Henriette-Marie et l’influence française dans les spectacles à la cour de Charles Ier, Cahiers de l’AIEF, 1957, n° 1, p. 128-160.
Extrait de l’article
Henriette-Marie de France fut incontestablement l’animatrice des fêtes à la cour de Charles Ier. Et pour cette seule raison on pourrait affirmer qu’une influence « française » s’exerça en Angleterre par son intermédiaire, depuis son mariage jusqu’à la Guerre Civile. Il suffirait pour le prouver d’énumérer les réjouissances dont elle eut l’initiative première, et où souvent elle prit une part active. Mais cela ne nous conduirait pas bien loin. Ce qui nous intéresse est de savoir dans quelle mesure ses goûts, qui s’étaient formés à la cour de France, différaient de ceux des Stuart et de leur entourage. Dans quelle mesure aussi, et avec quel succès, elle chercha à imposer une empreinte française aux arts du spectacle dans son pays d’adoption.
Henriette, il est vrai, n’avait que seize ans lorsqu’elle devint reine. Mais si, par son instruction, elle fut mal préparée aux responsabilités politiques, qu’elle dût partager avec son époux durant les années de guerre civile, on lui avait fait cultiver, dès l’enfance, le dessin, la musique et la danse, et elle montrait pour les arts les mêmes dispositions que son frère Louis.
Le tempérament et l’exemple de sa mère jouèrent dans cette formation un rôle décisif. Marie de Médicis avait la passion du théâtre, et aimait par dessus tout la comédie italienne et le ballet. Elle prenait un plaisir extrême à organiser des fêtes, choisir des partenaires, jouer un rôle sur une scène. A cette joie de participer à un spectacle se mêlait le goût d’une flatterie confinant à l’adoration. Car c’est toujours un rôle de déesse que les poètes lui faisaient tenir.
Le journal d’Héroard nous apprend que son fils aîné hérita d’elle un intérêt précoce pour le théâtre. A douze ans, Louis faisait jouer des tragédies et des comédies à ses enfants d’honneur, et l’on sait avec quelle application il répétait, par la suite, les danses de ses ballets (3).
Henriette, à huit ans, suivit sa mère à Blois lorsque celle-ci fut écartée du pouvoir, après l’assassinat de Concini. Quelques mois auparavant, elle avait pu voir le ballet de la Délivrance de Renaud (29 janvier 1617) et, de retour à la cour pour le mariage de sa sœur Christine, elle put assister au ballet de Tancrède en la forêt enchantée (12 février 1619).