Le tombeau du pape Paul III Farnèse, de Guglielmo Della Porta
Léon Cadier
Léon Cadier, "Le tombeau du pape Paul III Farnèse, de Guglielmo Della Porta", dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, École française de Rome, année 1889, volume 9, numéro 9, p. 49-92.
Extrait de l’article
Parmi les nombreux tombeaux de souverains pontifes qui ornent les bas-côtés, les chapelles et l’abside de la basilique de Saint-Pierre, l’un des plus connus et des plus admirés est sans contredit celui du Pape Paul III Farnèse. Son emplacement dans l’abside, non loin de la Chaire de Saint Pierre du Bernin, sa disposition et le groupement de ses statues, qui rappellent les chefs-d’œuvre de la Chapelle des Médicis à San Lorenzo de Florence, les histoires et les légendes qui ont couru au sujet de ce monument, la chemise de bronze dont on a cru devoir revêtir l’un des personnages allégoriques qui le décorent, tout contribue à exciter l’intérêt et la curiosité. L’auteur est du reste peu connu, bien qu’il appartienne à une famille illustrée par plusieurs artistes, et qu’il occupe un rang honorable parmi les sculpteurs du XVIe siècle. Le tombeau de Paul III, son chef-d’œuvre, l’a sauvé de l’entier oubli, non pas tant à cause de la valeur de l’œuvre, qui est très discutée, qu’à cause du mystère qui l’entoure.
On sait en effet que ce monument a eu des infortunes, qu’il n’était pas destiné à l’emplacement qui lui a été définitivement assigné, et que son plan primitif était différent de l’état actuel ; on sait que deux des statues qui le décoraient sont actuellement au palais Farnèse. Quant aux deux statues restées à Saint-Pierre, elles ont été victimes de la malignité publique, et l’on a chuchoté sur leur compte bien des histoires de nature à compromettre gravement leur réputation. Longtemps on n’a pas été d’accord sur leurs noms. Divers auteurs ont voulu voir dans la statue de la Justice la représentation de la Vérité ; d’autres en ont fait l’image de la Religion. Ces fausses attributions ont prêté à plaisanterie, et un auteur des plus graves, Cancellieri, donnant improprement le nom de Vérité à la statue de la Justice, dit que, tandis que la Vérité n’a pas coutume de plaire, celle-ci plaisait trop. Giovanni Teodoro Sprengero dans sa Roma nuova, de Lalande dans son Voyage en Italie, Caylus dans son Mémoire sur quelques statues antiques, ont raconté diverses anecdotes tendant à établir que l’on avait été obligé de couvrir la Justice d’un voile de métal, "parce que plusieurs personnes couraient, en la voyant, le même risque que Pygmalion".