3.2. Vivre, mais pour obtenir justice
Ghislain Tranié
Tranié, Ghislain, Louise de Lorraine (1553-1601). L’esprit et la lettre d’une reine de France.
Mémoire de maîtrise d’histoire moderne, sous la direction de Denis Crouzet,
I.R.C.O.M./Centre Roland Mousnier, Université de Paris-Sorbonne, 1999-2000.
Publié sur Cour de France.fr le 1er septembre 2010 (https://cour-de-france.fr/article1582.html).
3.2.1. Les chemins de Rome : la justice de Dieu ?
Si le premier geste politique de la reine douairière consiste en une réponse en forme de lettre ouverte au nouveau roi Henri IV le 6 septembre 1589, en revanche ses prières ardentes la poussent à implorer Rome, afin d’obtenir une bonne et catholique justice (Henri IV n’est encore que le ‘béarnais’ huguenot). Ainsi, accablée par le malheur, coupée de la plus grande partie de ses parents et poursuivie avec acharnement par ses créanciers et ceux de la feue reine mère [1], Louise de Lorraine n’en demeure pas moins fidèle à Henri III et prône la nécessité d’une justice exemplaire, dont la teneur reviendrait à l’arbitre suprême, et donc dans la cité terrestre au ‘magistère impeccable’ qu’est la papauté. À cette occasion se constitue autour de sa personne un réseau de personnalités romaines qu’elle tente de s’attacher. Consciente de son statut de ‘Royne blanche’, et déployant en elle un supplément d’âme inconsciemment politique car a priori éthique et religieux, elle se révèle être, malgré les échecs successifs de ses démarches auprès du Saint Siège, l’émanation de la seule reine possible pour le royaume de France, dans cette dernière décennie du XVIe siècle. alors que la reine légitime, Marguerite de Valois demeure reléguée à Usson, Louise de Lorraine emplit Rome de ses missives. Certes, elle ne tient pas tête au pape comme un Philippe Auguste face à Boniface VIII. Cependant Jacques de Montmorin, François de Joyeuse et surtout Arnaud d’Ossat vont par leur fidélité et leurs entremises assurer à la papauté une victoire à la Pyrrhus, car travaillant à la réhabilitation du feu roi, ils manifestent la vertu irréprochable de la reine, et par conséquent lui confèrent une singulière renommée qui se répand en Europe, et particulièrement en France, par un curieux effet rétroactif.
L’Instruction du 1er octobre 1589
Les larmes n’empêchent donc guère Louise de Lorraine de reprendre ses esprits, et dès le mois de septembre, elle s’attache à engager une procédure auprès de Rome en des termes diplomatiques. L’instruction du 1er octobre 1589 est le premier indice d’une pratique de l’art de la négociation chez la reine. Ainsi se déploie au travers de l’ostentation de son immense affliction un catalogue méthodique visant à réhabiliter Henri III, assurer le salut de son âme et soulager ses passions :
1. Présentation de la plainte au moyen d’un discours, de lettres et d’un mémoire.
2. Déclaration condamnant l’assassinat de tout roi, et surtout celui du roi Très-Chrétien.
3. Reconnaissance de la catholicité de Henri III et de prières pour son âme.
4. Adresse au clergé et défense d’attenter à la mémoire de Henri III, surtout à Paris.
5. Condamnation des deux couvents jacobins où vécut le régicide.
6. Célébration des obsèques du roi à Rome (si l’on n’y a pas déjà procédé).
Le voyage diplomatique de Jacques de Montmorin
Jacques de Montmorin, premier écuyer de la reine depuis 1570, eut à remplir plusieurs missions diplomatiques hors du royaume de France : ainsi en 1578 lorsqu’il dut se rendre à Vienne afin de présenter les condoléances du roi à la veuve de Charles IX, son ancienne maîtresse, pour la mort de sa fille demeurée en France. Ce proche de Louise de Lorraine bénéficiait aussi de sa faveur puisque celle-ci appela dans sa maison son épouse Gilberte de Marconnay dès 1579, sa fille, Magdeleine de Montmorin de 1582 à sa mort en 1584, et l’un de ses parents, Jean Baptiste de Montmorin, comme aumônier. Ayant quitté Chenonceau probablement peu après la remise de l’instruction, il dut arriver à Rome un mois plus tard et obtint trois audiences auprès du Souverain Pontife. La reine fut tenue informée de l’état des discussions entreprises par son envoyé, et avant la dernière audience, elle envoya quelques recommandations tenant compte des difficultés rencontrées.
« Et pour ce que sur l’esperance et en atendant l’autre audience poursuivante, Sa Majesté luy manda que surtout il feist principalement… ». [2]
Compte tenu de la distance et du temps mis par les courriers à parvenir à leurs destinataires, la première audience se tint vers la mi-novembre et le dernière à la fin du mois de décembre. Après quoi le sieur de Montmorin regagna la Touraine, non sans solliciter le cardinal Cajetan qu’il rencontra en chemin, puisque le légat était assurément plus au fait des affaires de France et de la réputation de la reine douairière [3][41]. Cependant, après avoir (fait ?) rédigé un rapport de ses activités à Rome, l’on ne trouve plus trace de lui dans l’entourage de Louise de Lorraine. Le rapport de mission reprend scrupuleusement, voire même mot à mot les consignes données dans l’instruction, et présente le déroulement des audiences pontificales avec pour tout commentaire la déploration de l’attitude de Sixte Quint :
1. Hommage au pape, présentation de la plainte de la reine et mise en exergue de l’horreur du crime, « vray sacrilege et parricide perpetué par ung homme d’Eglise » (fol.121 r°).
2. Après avoir exposé les requêtes de la reine, Montmorin revient sur ceux « ne se monstrant pas moings cruelz et felons à la memoire dudit feu seigneur Roy qu’à sa propre personne d’aultant qu’ilz maintiennent par escritz et libelles predications publiques et scandaleuses qu’il ne fault poinct faire » (id.), alors que le roi a « tousiours esté des plus devotieux catholicques deceddé ferme et resollu en ceste [ ] et profession » (id.).
3. Une fois démontrée l’orthodoxie de Henri III à l’heure de sa mort, Montmorin demande des « bulles expresses » adressées aux clercs afin qu’ils prient pour le salut du roi, « se retenant doresnavant de plus proferer publier et dire les calompnies et propos scandaleux esquelz ilz se sont insollemment licentiez en leur predications libelles et escritz » (id.).
4. Requête afin d’obtenir des funérailles, et qu’elles « y fussent faictz pendant son sejour (…) à ce qu’il peust de tout porter une si bonne nouvelle à ladite dame » (fol.121 v°).
5. Le pape « ne tint aucun propos (…) qui donnast esperance de contentement à Sa Majesté » (id.), fait une réponse empreinte de considérations politiques, regrettant « la totalle confusion et desolation de ce pauvre estat » (id.), ainsi que les conséquences d’un tel désordre pour la chrétienté.
6. Le pape loue la dévotion de Louise de Lorraine et lui promet « ayde support et commodité (…) et propres moiens et de ceux de la Chambre apostolique si pour sa personne speciallement elle en avoit besoing » (id.).
7. Quant aux requêtes, le pape se réfugie derrière la Congrégation de France, « sans l’advis desquelz elle [Sa Sainteté] ne se resoudroit d’aucune chose » (id.).
8. A la fin de la deuxième audience, le pape interroge d’une manière moins officielle le sieur de Montmorin sur « l’estat des affaires de France » (id.), mais ce dernier s’esquive, lui rappelant que son seul soin est celui de sa maîtresse.
9. En attendant la dernière audience, Louise de Lorraine lui demande « que surtout il feist principalement instance du service Obiit et ceremonie funebre à Rome » (id.), ce dont il s’efforce, tout en faisant de la mémoire d’Henri III « le principal subject et fondement de sa troisieme suplication » (id.).
10. Rome, « d’où debvrient naistre et partir tous atraitz de sainte reconciliation » (id.) s’emplit des calomnies contre le feu roi, et le pape se doit d’y remédier, « selon le debvoir de sa charge et la naturelle obligation service et respect qu’il avoit audit defunt seigneur Roy » (id.).
11. Montmorin se fait plus pressant et manifeste son agacement…
12. Le pape, « aucunement esmeue ou d’ailleurs plus que auparavant disposée à compassion » (fol.122 r°), apaise l’audience en reconnaissant « qu’elle y proceddoit d’une tres ardante voloncté » (id.) ; mais le royaume subit une punition divine et Sixte Quint prophétise sa « ruyne n’estre que trop prochaine » (id.) : cependant il souhaite intervenir pour que cessent les libelles injurieux.
13. Sur la question de « l’estat auquel ledit defunt seigneur Roy estoit deceddé » (id.), le pontife entend consulter le légat Cajetan et le Consistoire ; enfin il envoie à Louise de Lorraine un bref, et remercie son envoyé.
14. « Voilla en somme le subiect et recit veritable et la resollution de la negociation qu’a faicte à Rome ledit sieur de Montmorin » (id.) : devant l’accumulation des obstacles, ce dernier n’a point évoqué le sort des couvents jacobins de Sens et de Paris.
L’âpreté du ressentiment de Louise de Lorraine, conjugué à cet échec en première instance, n’était cependant pas inconciliable avec une réflexion de stratégie diplomatique plus profonde sur la manière la plus adéquate de parvenir à ses fins. Se rendre favorable Rome pouvait lui donner l’impression d’assurer un arrière plan politique et un surcroît de légitimité. Mais il convenait alors d’agir avec prudence : le rapport du sieur de Montmorin, pour impersonnel qu’il soit, insiste sur cette notion.
« Sa Sainteté se voulut informer (manque) dudit sieur de Montmorin de l’estat des affaires de France. Ledit sieur de Montmorin n’ayant avec soing que du service de sa maistresse, pres de laquelle, disoit-il à Sa Sainteté, on ne verioit que pleurs et larmes, soupirs et regretz, se retint et comporta par ceste excuse de telle façon qu’il n’en aprint rien de luy, comme aussi ne l’en pouvoit-il beaucoup contenter ». [4]
En outre, le rapport laisse transparaître plusieurs principes de l’art de la négociation qui furent assurément pris en compte pour l’avenir, dont la nécessaire maîtrise du ‘terrain’. En effet, le discours de Sixte Quint et son intransigeance sur la plupart des points soulevés par l’envoyé (à l’exception de la condamnation officieuse des libelles et de toute diffamation émanant des milieux parisiens) tranchent avec « les suplications et responses des deux premieres audiances assez facilement obtenues ». [5]
« A quoy Sa Sainteté, aucunement esmeue ou d’ailleurs plus que auparavant disposée à compassion ». [6]
Ce paradoxe entre la bonne réception et la position attentiste finale dut surtout être ressenti par Jacques de Montmorin qui ne connaissait peut-être guère les usages romains : l’idéal serait donc de disposer d’un intermédiaire meilleur savant en la matière.
3.2.2. Un ambassadeur de choix : Arnaud d’Ossat.
Le manuscrit français 3473 comporte en son sein 25 lettres de celui qui fait office de chargé de mission de la reine douairière à Rome de 1590 à 1600. Ces dépêches, souvent assez longues, constituent un ensemble disparate et très probablement fragmentaire (6 pour 1590, 13 pour 1591, 1 pour 1592, 1 pour 1598, 1 pour 1599 et 3 pour 1600) ; en fait une sélection paraît avoir été opérée, ne retenant que les dépêches les plus significatives, en plus de pièces annexes aussi contenues dans le manuscrit 3473. Cette correspondance s’engage le 1er juin 1590 par une lettre de Louise de Lorraine que l’abbé reçoit par l’intermédiaire de l’ambassade de Toscane le 19 juillet suivant [7][45]. Il convient d’ores et déjà de prendre en compte l’éloignement des correspondants et la lenteur des courriers, en buttes aux aléas des guerres de France, et confrontés à la précellence des dépêches en provenance d’Espagne. Le 15 avril 1591 notamment, d’Ossat déplore la dégradation du courrier de Lyon qui passe maintenant tous les mois, au lieu de chaque quinzaine, et encore :
« il i vient plus pour porter les paquets d’Hespaigne que pour ceux de France » [8].
De même, le 6 août suivant, il réitère son mécontentement de ne recevoir des nouvelles de France qu’une fois le mois [9]. Le décalage crée serait susceptible de provoquer quelque désordre dans le suivi des évènements et en toute prise de décision. C’est pourquoi, à de nombreuses reprises, Arnaud d’Ossat se permet de devancer les missives de Louise de Lorraine afin de lui rendre compte – parfois quotidiennement comme en avril 1591 – du déroulement de son affaire. Cependant le temps ne constitua point le seul obstacle, et l’insécurité des chemins pouvait faire craindre pour l’acheminement du courrier : peu avant le 11 juin 1591, un envoyé du cardinal de Bourbon arrive à Rome, mais ne peut délivrer à l’abbé les lettres en provenance de la reine car son convoi a été dévalisé [10].
Arnaud d’Ossat
« (il) estoit né de pauvres parens, qu’il perdit à l’âge de neuf ans. Il fit ses études à Paris, & ensuite y enseigna la rhétorique et la philosophie. Il y apprit aussi les mathématiques & le droit, & fit à Bourges un cours de droit sous Cujas ; ensuite de quoi étant revenu à Paris, il fréquenta le barreau. Paul de Foix, depuis archevêque de Toulouse, que le roi Henri III envoyoit ambassadeur à Rome, engagea d’Ossat à l’accompagner en qualité de secrétaire de l’ambassade. Après la mort de cet ambassadeur à Rome, l’an 1584, d’Ossat, qui s’étoit engagé dans l’état ecclésiastique, fut reçu dans la maison du cardinal d’Est, protecteur en cette cour des affaires de France ». [11]
Cependant en 1590, l’abbé se retrouve dépositaire d’une ambassade de facto, mais non pas de jure : aucun des partis en guerre dans le royaume de France ne dispose alors d’une délégation permanente à Rome, si ce n’est la Ligue, mais ses représentants sont informels. La nouvelle reine douairière lui donne l’occasion d’accéder réellement au statut d’ambassadeur car elle seule est en mesure de représenter aux yeux de Rome – du moins jusqu’à la conversion de Henri IV – la continuité monarchique en France. Cette précision explique sans doute l’empressement de l’abbé à satisfaire à ses demandes et à lui conserver toute sa fidélité :
« je me tiendray tousiours grandement honoré de toute autre chose qui me sera commandée de la part de Vostre Majesté ». [12]
Une impossible justice
La force de Louise de Lorraine – sa légitimité en tant que reine – devient toutefois sa principale faiblesse : le temps des Valois est perçu comme révolu et le royaume semble promis aux partages, et au moins à la domination étrangère. Toutes les démarches d’Arnaud d’Ossat n’aboutissent qu’à de bien minces et fragiles résultats, au regard de la demande de la reine. Et la lecture de ces lettres dut constituer pour Louise de Lorraine une épreuve, certes nuancée par les annotations personnelles consignées par son émissaire. En outre, cette correspondance devient le nœud central d’un ensemble de correspondances entre la reine, son plénipotentiaire et diverses personnalités romaines ou italiennes. Car l’art de la diplomatie ne consiste pas seulement à établir un solide dossier argumentatif, mais demande surtout de s’attacher des personnes influentes afin d’infléchir la décision finale.
Au-delà de l’expression de son affliction, cette correspondance et ses intertextualités apportent selon une perspective linéaire un éclaircissement sur le comportement de Louise de Lorraine et sa constance entre 1590 et 1601. Au travers des difficultés à obtenir audience du pape, des relations avec les cardinaux romains et les ambassadeurs de Toscane et de Venise, Arnaud d’Ossat retranscrit ses impressions sur la matière politique et insuffle à sa lectrice ses propres espoirs et ses craintes, lui conférant par son récit une certaine pratique du malheur où la politique peut néanmoins permettre un semblant de réussite.
Les récits de Rome
22 juillet 1590. Après le départ de Montmorin, Monsieur de Luxembourg a évoqué l’affaire en audience pontificale de la part des princes et des seigneurs catholiques et royalistes de France. L’ambassade de Toscane participe à la demande de la reine à sa poursuite, et délibère avec d’Ossat. Ce dernier, au matin du 22 juillet parle au pape, lui remet une lettre de Louise de Lorraine où elle semble poser le problème de la position du légat, alors en mauvaise grâce auprès de Sixte Quint.
« Mais quant aux obseques, il n’estoit point temps d’en parler pour ceste heure ».
Enfin, le pape demande comment se porte la reine, où elle réside, et l’abbé lui répond que « vous ne faisiee point de difference d’un lieu à autre, et que tous lieux vous estoient bons ». L’abbé souhaite en outre que Louise de Lorraine écrive à une certaine « Signora Donna Camilla » et à plusieurs cardinaux afin de les intéresser à l’affaire. [13]
7 août 1590. Arnaud d’Ossat consulte les personnes envisagées dans la missive précédente. Donna Camilla se rend auprès du pape une fois, mais n’y revient pas du fait de la chaleur et des maladies qui sévissent dans la Ville. En ce qui concerne le cardinal Montalto, ses seules paroles furent : « Et bien je feray ». Le cardinal Sante Penibina fut bien plus prolixe, mais il conclut en disant que, selon le cardinal de Gondi [14], Henri III est mort sans s’être confessé. D’Ossat tente de répondre mais « pour ce que les responses sont un peu longuettes, (…) j’ay estimé qu’il valoit mieux en fere un memoire à part ». Le cardinal Dataire serait plutôt enclin à défendre la reine si la question du monitoire [15] touchant le feu roi était réglée. Il apparaît que les tensions entre Gondi et le légat ont eu une fâcheuse conséquence, à savoir que « ledit Pere légat avoit respondu n’avoir eu commandement de Nostre Saint Pere, sinon que de prohiber qu’on ne preschast ni escrivist contre la memoire du feu roy ». La cardinal Lancelot prétend vouloir au parler au pape, se montre fort velléitaire, avant de s’exécuter toutefois. Enfin, le cardinal Pinelli est en plein accord avec le pape, tout comme le cardinal de La Loude. [16]
21 août 1590. L’agacement d’Arnaud d’Ossat devant tant de retenue et d’hypocrisie commence à percer dans sa critique :
« oultre que pour le regard des obseques mesmes, il advient plus souvent occasion de les faire en France pour les papes, que non à Rome pour nos Roys : d’aultant qu’on ne faict point de Pape qui ne soit jà fort vieux pour une fois qu’on auroit refusé à Rome de faire les obseques à un Roy Tres Chrestien, on pourroit refuser plusieurs fois de les faire en France pour les Papes. Mais je m’assure tant de la prudence et justice de nostre Saint Pere et de tous les seigneurs de ce Sacré College qu’il n’en fauldra poinct venir là ». [17]
3 septembre 1590. Sixte Quint est décédé le 27 août ; par conséquent, Donna Camilla n’est plus d’aucune utilité. En l’état des choses, d’Ossat estime sa mission terminée s’il ne reçoit point d’autre commandement. [18]
27 novembre 1590. Urbain VII est élu le 15 septembre mais meurt douze jours après. Les cardinaux rentrent en conclave le 8 octobre. Louise de Lorraine lui envoie deux dépêches écrites le 24 septembre et le 14 octobre, auxquelles est joint un mémoire : elle ne veut plus que l’on puisse discuter du monitoire. L’abbé l’invite à écrire à des cardinaux et au futur pape des remerciements quand il sera temps, à l’ambassadeur de Venise Albert Baducro « qui, à mon advis, s’y employeroit de tres bonne volonté ». [19]
18 décembre 1590. Nicolas Sfondrat, cardinal de Crémone, vient d’être élu pape sous le nom de Grégoire XIV :
« il y en ha qui presagent desià que ce pontificat sera administré en grande partie au gré des hespagnols ».
Arnaud d’Ossat l’invite à s’adresser aux cardinaux Sfondrat, Borromée, d’Ascoli et Cajetan, membres influents du nouveau gouvernement pontifical, ainsi qu’à un nouvel ambassadeur de la Sérénissime, Giovanni Moro. [20]
22 janvier 1591. Les cardinaux Sfondrat et Cajetan sont nommés à la tête de la Congrégation de France. Quant au pape, « le Roy d’Hespaigne et la Ligue le pressent grandement de se declarer chef de ladicte Ligue ». [21]
15 février 1591. La reine lui expédie une lettre le 26 décembre qu’il reçoit le 10 février. En retour, il l’invite à écrire au comte Sfondrat, un autre neveu du pape.
« Monsieur le cardinal Morosini doit partir un de ces jours bien tost, pour s’en aller resider en son evesché de Bresse [Brescia] : dont je suis marri pour le service qu’il vous eust peu rendre en vostre affaire ». [22]
19 mars 1591. Arnaud d’Ossat précise que Charles de Lorraine vient de recevoir le chapeau de cardinal, mais qu’il n’a encore pu lui parler. [23]
15 avril 1591. Venise rend le 31 mars une réponse favorable par l’intermédiaire de son ambassadeur, mais pense qu’il convient de patienter, voyant la situation.
« Lesdicts Seigneurs tenoient à faveur et honneur la confiance que Votre Majesté monstroit avoir en eux, et l’occasion qu’elle leur donnoit de luy faire service. (…) Bien leur sembleroit-il qu’il seroit plus à propos d’attendre à faire ceste instance jusques à quelque autre meilleure saison, qui n’estoit ceste-ci, se trouvant le Pape sur le poinct d’envoyer gens en France, et de faire autres choses en faveur de la Ligue ».
L’abbé remercia vivement l’ambassadeur, comprenant bien le point de vue vénitien :
« Une République si courtoise, et si bien affectionnée à la memoire du feu Roy (…). Votre Maiesté se remettroit tousiours à leur prudence et discretion ».
Puis il prit conseil auprès d’Albert Baducro afin de voir s’il convient de parler au pape, ce à quoi ce dernier ne sait que répondre. Cependant, lui représentant son scepticisme sur l’avenir de la papauté, la nécessaire consolation de la reine, et surtout la lettre de congratulations à remettre, bien que Grégoire XIV soit alors indisposé, l’abbé convainc l’ambassadeur de demander maintenant une audience, quitte à être reçu plus tard (ce qui excuserait l’ancienneté de la lettre).
« Suivant ceste resolution, je fus parler le second de ce mois au maître de la Chambre du Pape (…) [lors de l’audience, Grégoire XIV lui déclare] Qu’il estoit informé de vos rares vertus, et entre autres de vostre pieté et devotion, et vous tenoit pour une saincte princesse. (…) [Puis il expose la demande d’obsèques] Et quelle response y feist-on ? dist-il. Je répondis que pour ce que la chose de Blois estoit fresche encore alors, le Pape Sixte avoit volu diferer de pie et sainct office pour quelque temps (…) [le Pape réitéra la même réponse] ». [24]
16 avril 1591. Les 5 et 6 avril, Arnaud d’Ossat a sollicité des cardinaux pour leur délivrer les lettres de la reine. Tous s’enquirent de l’état de santé de la reine et firent quelques autres politesses avant de répondre. Le cardinal Sancte Severino avoua que « ceste affaire avoit de la difficulté ». Il dit avoir demandé jadis des obsèques privées, mais ce dernier terme, lourd de conséquences, contrariait l’abbé :
« Je notay ce mot de privées : qui me despleut (…). Tant y ha que ce mot ha esté cause que à toutes les fois que j’ay depuis parlé et escrit de ceste affaire, j’ay tousiours adiouxté à ce mot obseques cest epithete de publiques ».
Enfin, le cardinal voulut connaître le sort des frères de la reine et fit honorable commémoration de feu le cardinal de Vaudémont. Le cardinal Sancti Quatro mit en exergue l’implication politique de telles obsèques :
« il trouvoit la chose raisonnable en soy (…). Mais, pour me parler librement, il pensoit que pour cest heure malaisement s’obtiendroit-elle, n’y ayant point de Roy en France : et qu’on craindroit de mescontenter ceux de la Ligue (…). Je luy repliquay que Vostre Maiesté avoit preveue ceste obiection, et m’avoit commandé de leur remonstrer là-dessus que prier Dieu pour l’ame du feu Roy n’accroistroit ni diminueroit les forces ou moyens d’un parti ni d’autre. Tout cela (dist-il) est vray et bon, mais les personnes malades et desgoutées trouvent amer le meilleur vin et les viandes les plus savoureuses ».
Le cardinal Lancelot déclara avoir proposé lors d’une séance à la Congrégation de France d’absoudre Henri III, mais l’assemblée ne l’aurait pas suivi, « et me sembla que je le laissay bien edifié et persuadé de cest affaire ». Le cardinal Cajetan dit n’avoir reçu aucune instruction particulière lors de sa légation en France. Le cardinal de La Rovere conseille à d’Ossat de rédiger un mémoire pour le cardinal Sfondrat. Le cardinal d’Ascoli demanda implicitement si le cardinal de Lorraine ne pouvait pas faire évoquer l’affaire : l’abbé insiste sur la franchise de ce cardinal. Quant au cardinal Borromée, il parla peu, si ce n’est pour déclamer quelque compliment. Et le cardinal Cusan ne sut rien dire d’autre que d’écrire à Borromée. [25]
17 avril 1591. D’Ossat a rédigé le mémoire sans parler d’excommunication ou de monitoire, mais en donnant des raisons implicites de les récuser : il le destine au pape, à Rovere, à Sfondrat et d’autres cardinaux, aux ambassades de Venise et de Toscane. Il n’a pu sonder le cardinal de Lorraine pour l’instant, mais rappelle que le cardinal de Joyeuse doit sa carrière à Henri III. Or ce dernier « doibt arriver au commencement de may, et y sejourner quatre ou cinq mois » : Louise de Lorraine devrait donc lui écrire par le biais de sa belle sœur car pour l’issue de sa demande, « s’il ne l’obtenoit, je ne scay qui le pourra obtenir ». D’ailleurs, l’ambassadeur de Toscane n’a toujours pas reçu de nouveau commandement et croit l’affaire perdue, « car aujourd’huy ils [les Espagnols] peuvent tout et ne se faict que ce qu’ils veulent ». Enfin, l’abbé s’étonne de ce que la réponse du cardinal Sfondrat puisse remplacer celle de son oncle Grégoire XIV, alors que les papes « ont accoustumé de faire response eux-mesmes aux Roys et aux Roynes ». [26]
12 mai 1591. Le pape a écrit un bref délibéré en la Congrégation de France. La réponse des cardinaux est unanime : il est trop tôt. Mis à part le cardinal Sfondrat, ils n’ont pas parlé au pape, ou l’ont fait trop tard, tout comme l’ambassadeur de Venise qui ne s’exécute qu’à sa troisième audience le 3 mai. Quant à la Toscane, Arnaud d’Ossat n’en a plus de nouvelles.
« En somme, il est trop vray, Madame, qu’il fault attendre un autre temps, (…), un roy paisible ». [27]
17 mai 1591. Arnaud d’Ossat vient de recevoir le bref qui refuse tacitement des obsèques, ce « dont je suis tres marri ». En l’envoyant à la reine, il joint des lettres de quelques cardinaux, et en particulier une émanant du cardinal Morosini avec lequel Louise de Lorraine est en relation depuis quelques temps. [28]
11 juin 1591. Solliciter les cardinaux devient une perte de temps pour l’abbé qui conseille plutôt de s’adresse directement au pape et à la Congrégation de France :
« Et enfin, je me suis bien apperceu, que de rechercher plus telles intercessions, soit pour cest heure ou pour l’advenir, ne seroit que temps et peine perdue ».
Le cardinal de Joyeuse n’est toujours pas à Rome mais des gentilshommes, émissaires de « princes du sang catholiques » sont arrivés dans la Ville.
« Mais ni en une façon ni en autre, je ne pense pas qu’on puisse rien advancer en cest affaire, tant qu’on verra la France en estat de ne pouvoir faire ni bien ni mal hors de foy ». [29]
9 juillet 1591. Le 20 juin, d’Ossat a rendu visite à Giovanni Moro, le nouvel ambassadeur de Venise, afin de lui remettre une lettre de la reine ; mais ce dernier semble fort peu empressé de lui répondre…
« Bien scay-je, longtemps y ha, que les ambassadeurs de Venise, et tous gentilshommes Vénitiens, escrivent mal aisement aux princes estrangers, et lors mesmes qu’ils ont quelque occasion de leur escrire (…). La ruine du seigneur Jaquet Paranzo, qui estoit le premier homme de sa republique en reputation, ne vint d’autre chose que d’avoir escrit une lettre au feu Grand Duc de Toscane, et l’avoir requis de certaine faveur pour son particulier. Et encore au jourd’huy le sieur Lipomani, qui estoit baile pour la seigneurie à Constantinople, est en grand danger de sa vie, pour estre chargé d’avoir escrit ces jours passez au Roy d’Hespaigne, une lettre d’advis de quelques preparatifs que le Turc sembloit faire, pour s’en servir en ces quartiers de la Chrestienté ».
Le cardinal de Lorraine a quitté Rome le 26 juin, or une dépêche de sa cousine datée du 8 avril arrive le lendemain avec deux lettres pour le cardinal (lequel a obtenu du pape que les 15000 écus d’abord destinés à la Ligue, soient octroyés au duc de Lorraine « pour empescher l’entrée aux Allemans, qui doibvent venir pour les princes du sang »). Quant à Joyeuse, il serait à Montserrat sur les hauteurs de Barcelone, en train d’attendre le duc de Savoie pour s’embarquer en direction de Gênes. Ce dernier visitait alors Philippe II dont il obtint une grosse somme et des soldats afin de combattre Epernon en Provence. Malgré ses soupçons vis à vis de Venise, la complexité à suivre les affaires romaines (en fait les 15000 écus n’auraient pas un sort fixé), Arnaud d’Ossat trouve alors une consolation dans le service de la reine :
« Je remercie Votre Maiesté en toute humilité et de toute mon affection, du bien et honneur qu’il luy a pleu me faire en donnant ordre que j’aye la jouissance de mon prioré ». [30]
6 août 1591. Le 23 juillet, d’Ossat reçoit un paquet avec une lettre de la reine en date du 18 juin, ainsi que d’autres pour les cardinaux de Lorraine, de Joyeuse, Sfondrat, et enfin pour Giovanni Moro. Il a envoyé les précédentes lettres pour Charles de Lorraine, mais est « fort esmerveillé que lesdictes lettres soyent si tard arrivées à Florence ». François de Joyeuse a débarqué à Gênes le 10 juillet et a atteint Rome le 20 du même mois. A ce propos, d’Ossat se met à penser « incontinent qu’il verra luire quelque scintille d’esperance d’y pouvoir advancer quelque chose ». Quant aux affaires de France, le duc de Savoie n’a en fait obtenu ‘que’ 25000 écus par mois, 14 galères, 900 soldats, et connaît de sérieuses difficultés devant Marseille, et ce d’autant que le grand duc de Toscane a envoyé des munitions pour défendre le château d’If : les prétentions de Savoie à la couronne de France se font plus incertaines. Le mardi 30 juillet, un « grand bruit » veut que le nouveau légat serait un sujet de Philippe II, le cardinal Alexandrin, jacobin de surcroît. Enfin le duc de Ferrare devrait passer à Rome pour régler les problèmes successoraux de la maison d’Este. [31]
4 septembre 1591. Finalement le légat pour la France est le cardinal Paravieino. Le duc de Ferrare est à Rome depuis le 15 août, mais il n’a pu voir Grégoire XIV, alors en conflit avec son Consistoire. La nomination du légat intervient pour organiser les Etats Généraux « que ladicte Ligue entend tenir à Rheims et pour y faire un roi, et pour le sacrer ». [32]
23 novembre 1592. D’Ossat a reçu une lettre de Louise de Lorraine en date du 8 août à laquelle il a répondu le 26 octobre, renvoyant aussi la réponse du cardinal Mathei. Il obtient pareillement une réponse de Paul Parute, ambassadeur de Venise, dont les termes demeurent laconiques : « il n’estoit pour cest heure temps de parler de cest affaire ». D’où la réflexion de l’abbé : « mais, si il tient le style de ses predecesseurs, il n’escrira non plus qu’eux ». Le cardinal de Gondi est à Florence car il paraît peu en cour auprès du Saint Père. L’évêque de Lisieux et le secrétaire de Mayenne, Desportes, sont à Rome, et cherchent quelque appui en adressant des missives aux cardinaux, dont Arnaud d’Ossat envoie des copies à la reine. Grégoire XIV leur donne de quoi payer 3000 hommes de pied et 500 à cheval. Il donne aussi 10000 écus au cardinal de Lorraine pour la guerre de Strasbourg. D’autre part, Lesdiguières est en Piémont où il a fortifié quelques places : Savoie tente de l’en déloger. En Sicile, à Messine, une sédition populaire a éclaté du fait des impositions du vice-roi. [33]
3 septembre 1598. Une lettre de Louise de Lorraine lui est parvenue le 4 juin dernier, mais entre temps, il dut négocier la paix avec Venise et la Toscane. Il rend aussi à Monsieur de Luxembourg une lettre de la reine, « et l’informay de ce qui s’estoit faict aupres du pape, en la poursuite des funerailles du feu Roy ». [34][72]
10 mars 1599.
« J’estime qu’advant que ceste lettre arrive à Votre Majesté, vous aurez esté advertie comme il pleust à Notre Saint Pere à la priere du Roy, me comprendre en la promotion de cardinaux, qu’il feist le 3 de ce mois. Je n’ay pourtant voulu laisser de vous en donner advis moy-mesme, comme tres humble et tres obeissant subiect et serviteur ». [35][73]
18 mars 1600. Arnaud d’Ossat inventorie les dernières missives reçues de la part de la reine, ainsi que d’autres pour l’abbé de Beaulieu, aumônier de la reine, pour le pape sur la mémoire de Henri III, la confirmation de dispenses et la fondation de monastères (à Bourges, Moulins et Tours). Pour ces affaires, le cardinal préfère attendre le retour de Sillery, car « il fauldra que Monsieur de Silleri et moy y marchions d’un mesme pied ». [36]
20 mai 1600. Sillery est pari à Florence le 17 avril négocier la main de Marie de Médicis. Arnaud d’Ossat se rend le 21 avril à l’audience pontificale du vendredi où il évoque les trois dispenses requises, « touchant la communion et un autel portatif, et de manger de la viande aux jours maigres : pour l’indisposition et de fluxion, dont Votre Majesté est ordinairement travaillée ». Le lendemain, Clément VIII renvoie le mémoire rédigé par d’Ossat à cette occasion au cardinal Bellarmin, lequel lui annonce le 27 avril l’accord du pape et l’augmentation de la dispense autrefois consentie par Grégoire XIV. Louise de Lorraine peut choisir deux jours par semaine pour communier en un lieu approprié ; elle peut aussi manger de la viande « selon le conseil du confesseur et du medecin de Votre Majesté ». Le 28 avril, Arnaud d’Ossat apporte une lettre de la reine au pape, ainsi que celles du roi lui étant adressées, et demande l’érection de trois monastères de capucines. Clément VIII manifeste son accord mais se pose le problème des capucins qui ne devraient pas vouloir gouverner des religieuses. Au sortir, le cardinal se rend donc chez le cardinal Aldobrandini, neveu du pape, puis le lendemain, auprès du « protecteur de l’Ordre des Capucins », le cardinal Sancte Severino, et chez le P. Monopoli, procureur général de l’Ordre.
« Il me feist la susdite difficulté encore plus grande que ne l’avoit faicte le pape, ni le cardinal de Sancte Severino ».
Pourtant, une solution semble possible et d’Ossat déclare que ces couvents seraient identiques à ceux de Rome. Le vendredi 5 mai, il argumente très longuement sur la nécessité de célébrer des obsèques et il pense avoir convaincu le pape. Il reconnaît toutefois que ce dernier ne prendra aucune décision avant de consulter les anciens cardinaux. [37]
4 novembre 1600. Louise de Lorraine lui a écrit le 12 septembre par le biais du doyen des chanoines de Notre Dame de Moulins : elle a reçu trois brefs et la lettre du cardinal. Elle joint trois lettres pour régler la question de la fondation des capucines. Enfin, pour l’affaire de son chancelier, Arnaud d’Ossat a obtenu le « gratis de l’expedition de l’abbaye des Preaux pour son fils » grâce au soutien de la reine douairière. [38][76]
Conclusion : l’acceptation du malheur terrestre ?
La lassitude d’Arnaud d’Ossat dans l’échec tranche singulièrement avec l’acharnement de Louise de Lorraine. Sa fermeté d’âme est souvent mise à l’épreuve, ne se montre jamais épuisée. D’où le contraste entre un tel récit – organisé, méthodique, complice mais raisonnable – et les écrits de la reine – hyperboliques, emphatiques. La conciliation acceptée à Rome et l’exaspération affichée en France procèdent d’une démarche pourtant commune, profondément politique dans les deux cas, mais selon deux modalités différentes. Dans ce vécu de l’échec, entrecoupé de quelques espérances et réussites, les leçons de Catherine de Médicis affleurent assurément. En d’autres termes, Louise de Lorraine voit entre 1589 et 1601, à une échelle certes différente, ce que sa belle-mère vit entre 1559 et 1589 : la mort tragique d’un époux estimé, le désir de conciliation et d’harmonie, la nécessaire implication personnelle, l’impossible relâchement, une grande désolation mais l’acceptation de son sort. Ce mimétisme vaut au moins pour la réception des évènements et leur gestion au quotidien. [39][77] Ainsi la différence du discours répond à la différence contextuelle, ce qui dénote encore une fois la connaissance des pratiques politiques. Louise de Lorraine aurait pu s’assurer le soutien de Monsieur de Luxembourg, que l’on retrouve à plusieurs reprises comme ambassadeur à Rome : or la distinction d’un plus humble émissaire (en 1590) mais aussi mieux introduit dans les cénacles romains, témoigne d’un esprit rompu à la diplomatie. De plus, alors qu’Arnaud d’Ossat désespère de l’attitude de Venise et de la Toscane, la reine persiste à entretenir quelque relation épistolaire avec leurs ambassades. En 1600 encore, elle insiste pour faire évoquer la question des funérailles à l’audience pontificale. Si dans son for intérieur, Louise de Lorraine est ébranlée par la mort de Henri III et le refus qui lui est opposé à Rome dans ses démarches, en revanche un certain pragmatisme prévaut donc pour assurer une justice ardemment souhaitée.
3.2.3. La cérémonie de Mantes (janvier 1594).
« Dieu qui met le sceptre en la main des rois… »
À cette première acception de la justice comme lecture d’éléments médiats d’un point de vue personnel et politique répond une autre lecture plus immédiate dans sa perception politique et judiciaire : cette ambivalence entre une éthique privée, et une éthique officielle ne requiert cependant pas l’utilisation d’un argumentaire différent selon le cas. Une distinction est pourtant à établir : celle de la publicisation de son affliction et du caractère judiciaire de sa requête. Ainsi la lettre du 6 septembre 1589 se présente comme une lettre ouverte dans la mesure où elle est l’objet de deux éditions la même année, à Tours et à Chalons. De même, le discours en forme de requête qu’elle fait parvenir au roi début novembre est à de nombreuses reprises copié dans des manuscrits contemporains, ce qui témoigne de l’importance de l’affaire – elle est examinée au Conseil – et de sa visibilité extérieure.
Ce dernier texte énonce les fondements traditionnels de la royauté générée par Dieu et se perpétuant par le sang , non selon le libre arbitre, et avant tout garante de la justice :
« Dieu qui met le sceptre en la main des rois en les constituans sur ses peuples ne leur commande rien plus expressement apres son honneur et service que l’egale administration de sa justice auparavant mise ès mains des iuges que Sa divine bonté y avoit establitz et ordonnez comme estant la principale charge et fonction de la puissance royale et où gist la plus illustre marque de cette supresme et souveraine auctorité. [40]
Roi de Justice selon le paradigme biblique, le roi est également un pater familias pour son peuple : émanation de son royaume, il est roi de concorde entre les princes du sang, les « Estats de ce royaume » et autres « officiers, serviteurs, et subjects ». Or l’attentat du 1er août 1589 remet en cause ces critères et la continuité des temps depuis l’ère biblique. L’irruption d’une dynamique temporelle renversant l’harmonieuse statique bouleverse d’une manière tragique l’établissement du royaume même, au-delà de la propre affliction de la reine :
« ne se trouvant en tous les aages et siecles passez nul exemple pareil à cette felonnie tant pour le respect de la personne, estat et dignité du desfunct sacré et l’oingt de Dieu, que de la qualité de l’executeur de ce damnable assassinat (…). [41]
La diligence du procureur général de La Guesle, aidée en cela par la contingence des faits d’armes, mit le prieur du couvent des jacobins de Paris, Edme Bourgoing, à la disposition du Parlement siégeant à Tours.
« Pour responce à la lettre qu’il a pleu à Vostre Majesté m’escrire, je vous diray que j’ay communicqué le contenu en icelle à Monsieur le Premier President qui a trouvé n’estre besoing que Vostre Majesté pour ce coup signe les conclusions qu’il fault bailler contre le prieur des Jacobins parce qu’il fault reserver cela à quelque plus grande occasion qui se presentera en la suitte et continuation du proces. Ce sera assez qu’en vertu de la procuration et commission que m’avez envoiée, je signe lesdites conclusions et que Vostre Majesté prenne la peyne d’escrire une lettre à Messieurs de la Court afin qu’ils aient la justice de vostre cause (…) ». [42]
Et en effet, à la suite de cette lettre du 27 janvier 1590, le Parlement jugea le prieur qui fut condamné pour régicide. [43][81] Cependant, Louise de Lorraine demeurait insatisfaite car elle était convaincue qu’un tel complot ne pouvait qu’avoir reçu l’assentiment, sinon la bénédiction et de substantiels moyens, du chef de la Ligue, Henri de Lorraine, duc de Mayenne. Et dans la logique d’une conspiration nobiliaire, le réseau des culpabilités devait sûrement être aussi grand que le nombre des clients de Mayenne et de la Ligue. C’est pourquoi la reine douairière persiste à demander des enquêtes, afin que justice soit faite. L’ambiguïté de ses relations avec certains ligueurs, patente depuis 1588, n’avait cependant pas été éteinte par l’assassinat du roi. En 1594 encore, des agents de la Ligue auraient été découverts dans son entourage. [44]
« le Roy s’estannt derechef advancé, il luy tendit la main pour l’ayder à la relever… »
« Le mercredy douziefme iour du mois de Ianvier, la Royne douairiere Louise estant venue de Chenonceaux à Mantes, pour demander iustice au Roy de l’assassinat commis en la personne du bon prince Henry III, le lieu pour luy donner audience fut préparé dans la nef de la grande eglise de Mantes ». [45]
Le cadre imposant de l’église en fit un « theatre » au sommet duquel fut installé pour Henri IV « une chaire recouverte d’un riche drap d’or frizé rouge ». La cérémonie s’annonçait d’emblée fastueuse et conforme au rang des protagonistes, dans la tradition des réceptions de souverains. Or donc, le 20 janvier, le roi se rendit vers les deux heures de l’après midi vers l’église, escorté par les soldats de sa garde. [46]
« Un quart d’heure apres vint la Royne Louïse, devant laquelle marchoient les Suisses de sa garde, ses Gentils-hommes & principaux officiers vestus de dueil. Elle estoit menée & soustenüe du bras gauche par Monsieur le prince de Conty. A la main droite, un pas devant elle, marchoit son Chancelier, le sieur de Chasteauneuf, & apres son chevalier d’honneur, le comte de Fiesque. La queuë de sa robbe estoit portée par Madame de Nevers, Madamoiselle sa fille, & Madame de Rohan, suivies de quarante autres dames conduittes par des seigneurs, serviteurs du feu Roy, tous habillez de dueil ». [47]
L’apparition de Louise de Lorraine est à bien des égards extraordinaire. D’abord parce qu’une reine douairière n’était guère destinée à se retrouver instigatrice de l’une des grandes manifestations solennelles de la monarchie française. Ensuite parce que l’entourage de la reine est assez étonnant. André Favyn a beau préciser que ce sont « ses » Suisses, il semble contestable qu’elle ait put conserver et entretenir un corps de soldats. D’autre part, ni le prince de Conti, ni la duchesse de Rohan ne furent des intimes de Louise de Lorraine, à l’inverse d’Henriette de Clèves, du baron de Chasteauneuf et du comte de Fiesque. Henri IV dut par conséquent pourvoir à sa suite afin de lui donner une allure vraiment royale. Quant aux dames et autres seigneurs, leur provenance et accointance avec la reine est plus difficile à saisir. Un réseau de fidèles devait exister en Touraine car, se trouvant à Chenonceau et ne disposant que d’une maison assez réduite (une quarantaine de personne environ), la reine est toujours informée rapidement des évènements du royaume, sauf que lorsqu’elle se trouve à Ancenis par exemple, où seul le gouverneur de Saumur semble l’informer. Toutefois, ces personnes issues de la cour d’Henri III peuvent aussi être des royalistes tôt ralliés à Henri IV.
« la Royne ayant apperceu Sa Maiesté luy fit une humble reverence. A laquelle le Roy s’estant levé & mis la main au chappeau, ceste dame à my-partir fit une seconde reverence. Pour la recevoir, le Roy ayant advancé un pas, parvenüe au premier degré, devant luy elle mit un genoüil à terre, & le Roy s’estant derechef advancé, il luy tendit la main pour l’ayder à la relever, & monter ledict Theatre, d’où elle fut conduitte dans sa chaire couverte de drap noir ». [48]
L’étiquette n’étant plus depuis longtemps pour la reine une matière inconnue, le cérémonial se déroule parfaitement, selon un rythme bien cadencé, et son organisation témoigne du renouveau rapide de la cour autour du roi, avant même que celui-ci ne soit rentré à Paris : le Béarnais se montre ainsi digne héritier des Valois et assure la continuité dynastique. Et à défaut d’avoir une descendance ou d’incarner lui-même un véritable homo novus, le nouveau roi forme un ‘couple’ appréciable avec la reine blanche.
« En ce voyage ceste vertueuse & chaste Royne, s’estant un iour trouvée à la messe du Roy, & à l’issue d’icelle ouy chanter l’Exaudiat te Deus, priere que le feu Roy faisoit tousiours dire pour lui, elle fut longtemps esvanouie, & tenue pour morte : le Roy accourut, & tous les princes & seigneurs qui estoient avec luy, & la remirent au mieux qu’il leur fust possible. (…) Ainsi à la moindre apprehension, ou representation des choses bien aymées on en devient transporté & se voyant à tout iamais privée de la iouïssance d’icelles, la douleur surmonte la constance, dont nous nous puissions armer ». [49]
Cette anecdote fut narrée par plusieurs gentilshommes dans leurs mémoires et se situe dans la lignée des tressaillements que Louise de Lorraine affectaient étant reine, lorsqu’elle écoutait certains prédicateurs. Si son émotion à cet endroit paraît sincère, il faut cependant considérer qu’un tel événement contribuait à lui attirer la bienveillance de l’entourage royal, sûrement ému par une telle tension intérieure. Laquelle trouve un écho tout aussi spectaculaire dans le discours de Louis Buisson : loin de défaillir pour ce qui est d’imaginer quelque châtiment pour venger la mort d’Henri III, la reine douairière avait même trouvé le moyen d’accentuer encore plus son réquisitoire depuis octobre 1589 et son instruction au sieur de Montmorin. Le procureur détailla l’ensemble des mesures que la justice royale devrait appliquer :
– Ordonner à tous les officiers royaux de rechercher les coupables.
– Presser le clergé de requérir l’excommunication contre quiconque chercherait à entraver la bonne marche de la justice.
– Faire connaître à l’ensemble du royaume les noms des accusés, les appréhender, et ordonner des poursuites envers ceux qui les aideraient.
– Demander aux souverains étrangers de remettre les coupables réfugiés dans leurs territoires, sous peine de représailles contre leurs sujets se trouvant en France.
– « Que la somme de dix mille escus fust promise, avec impunité de tous les crimes & delicts, à ceux qui prendroient les accusez, vifs, ou en aporteroient les testes ». [50]
– « Que le premier iour d’Aoust (…) fust declaré malencontreux ». [51]
– Interdire le nom de ‘Jacobin’, réformer l’Ordre de Saint Dominique, introduire à Paris et à Sens d’autres religieux « tels que la Royne veufve voudra nommer, afin qu’ils prient Dieu pour l’ame du feu Roy ». [52]
– Obligation pour les autres couvents dominicains de célébrer le 1er août un service solennel, une procession, une prédication expiatoires, et de jurer fidélité au roi.
– Fonder à Saint Cloud une « église d’expiation du parricide du Roy Henry Troisiesme ». [53]
Pour justifier de telles mesures, Louise Buisson insiste sur le tourment personnel de Louise de Lorraine, mais exprime également le danger de laisser un tel crime impuni.
« Sire, qu’il n’y a point d’eloquence, de voix, ny de langue qui puisse exprimer dignement le dueil, l’ennuy et la perte de la Royne douairiere. Car bien que de premiere apparence elle puisse estre estimée pareille à celle des autres veuves, qui ont perdu leurs maris, si est-ce qu’elle ressemble à la statue de Niobé formée de l’excellente main de Policlete, laquelle, estant veue de loing ne paroissoit qu’avec une tristesse commune et un visage plein de larmes ; mais quand on l’approchoit de pres, on trouvoit un visage sans forme, et plustost une figure de mort que d’une creature vivante ». [54]
Plus morte que vive, drapée de noir, Louise de Lorraine présente son affliction personnelle dans son extrémité la moins humaine et la plus monstrueuse : son visage est « sans forme » et donne à voir la présence de la mort. Elle-même se transforme en allégorie vivante de la mort. Et c’est ce paradoxe qui est cause de ses tourments : malgré elle, elle vit et doit vivre. Son affliction rapportée à sa dignité mérite donc un traitement hors du commun, extraordinaire.
Cependant, afin de persuader Henri IV de se montrer plus vif dans la recherche des coupables, Louis Buisson se tourne vers le défunt, dont il narre d’un ton élogieux les sages actions et la triste fin.
« Mais l’experience feit bien tost congnoistre à ce tres grand Prince que la guerre, le meurtre, et le sang, n’estoit pas le moyen legitime pour extirper les erreurs, et ramener au trouppeau de l’Eglise les ames qui en sont devoyées, & qu’il n’y avoit que la paix, la predication, & ut magna facta quam dictis Christiani docet, la bonne vie des prelats ecclesiastiques (…) ». [55]
« Mais d’autre part (…) ce monstre prodigieux d’ambition, qui a les pieds en la terre, & la teste au ciel (comme dict Homere) luy en defaisoit autant de lavé, & soubs main luy tramoit tousiours la guerre intestine, jusques à ce que le Prince pensant tousiours le determiner par prudence et sagesse, come il a faict longtemps, a veu tout en un coup le feu, qui avoit long temps croupy, allumé aux quatre coins de son royaume, & beaucoup de ses subjects qu’il avoit tousiours recongneu composez d’un esprit doux, paisible et tranquile, par le charme d’une autre Circé, transmuez tout en un instant en esprits farouches et en bestes furieuses et sauvages. Ce fut le songe que feit Sa Maiesté, ou plustost vision qu’elle eut que ces lions et leopards domestiques le vouloient devorer ». [56]
Ce rêve, que les ligueurs exploitèrent pour accréditer l’idée de la folie du roi, trouve là une interprétation bien différente, et qui témoigne de l’évolution du rapport de Louise de Lorraine à la Ligue. Bien que liée aux Mercœur, elle n’hésite plus à faire critiquer ouvertement sa parenté, ce « monstre prodigieux d’ambition » qui lui fait maintenant horreur. Elle hésita d’autant moins à exprimer cette rancœur qu’Henri IV était revenu au giron de l’Eglise, et que, si ce dernier était cohérent dans ses actions, il assurerait la promotion des idées de paix, de prédication et de « bonne vie » des prélats – donc en concourant à la Contre Réforme – et partant une bonne justice envers son prédécesseur. Car si Henri IV peut alors espérer redevenir maître de son royaume, c’est par la conciliation pacifique : ainsi Henri III apparaît alors à la source du règne de paix de son successeur, et donc de l’Edit de Nantes en 1598.
« Pensez, je vous supplie, que vostre grand ayeul commun, ce divin et celeste Roy sainct Louis (…) : c’est luy mesme qui vous demande vengeance de son petit-fils, qui vous annonce que la punition de son parricide est vostre salut et conservation. Aristote dict que la mere de preservation, c’est l’apprehension du peril et du danger ». [57]
Enfin, le dernier argument prend une tournure plus pragmatique et prophétique : si le roi n’assure pas la « vengeance » de son prédécesseur, les éventuels régicides se trouveront renforcés dans la possibilité de se penser comme potentiels régicides. Prophétie sûrement illusoire dans son dévoilement, mais qui tenait compte de plusieurs tentatives d’assassinat sur la personne d’Henri IV, dès avant 1594.
Notes
[1] Abbé C. Chevalier, op.cit., introduction, p. CXLV-CXLVIII.
[2] Ms fr. 3473, fol.121-122.
[3] Ibid., fol.21r°.
[4] Ibid., fol.121 v°.
[5] Ibid., fol.121 v°.
[6] Ibid., fol.122 r°.
[7] Ibid., fol.57 r°.
[8] Ibid., fol.16 r°.
[9] Ibid., fol.70 r°.
[10] Ibid., fol.49.
[11] Grand Dictionnaire Historique de Moreri, tome VIII, p.136.
[12] Ms fr.3473, fol.57 r°.
[13] Ibid., fol.57 r°- 59 r°.
[14] Le cardinal de Gondi avait été renvoyé de la cour et nourrissait donc des sentiments hostiles envers Henri III.
[15] En réponse au double assassinat de Blois et à la détention des archevêques de Lyon et de Rouen, Sixte Quint avait lancé un monitoire contre le roi ; mais la mort de ce dernier fut vraiment pieuse et très orthodoxe, et ce d’autant qu’il tentait de prouver sa bonne foi à l’Eglise depuis plusieurs mois.
[16] Ms fr. 3473, fol.76 r° -78 v°.
[17] Ibid., fol.82.
[18] Ibid., fol.88 r°.
[19] [57] Ibid., fol.100 r° -101 r°.
[20] [58] Ibid., fol.106 r° -107 r°.
[21] [59] Ibid., fol.3 r°.
[22] [60] Ibid., fol.7 r°.
[23] [61] Ibid., fol.13 r°.
[24] Ibid., fol.16 r° -18 v°.
[25] Ibid., fol. 20 r° -22 v°.
[26] Ibid., fol.24 r° -26 r°.
[27] Ibid., fol.28 r° -30 r°.
[28] Ibid., fol.40.
[29] Ibid., fol.49.
[30] Ibid., fol.55 r° -56 v°.
[31] Ibid., fol.70 r° -72 r°.
[32] Ibid., fol.90.
[33] Ibid., fol.98 r° -99 r°.
[34] Ibid., fol.86 r°.
[35] Ibid., fol.9 r°.
[36] Ibid., fol.14 r°.
[37] Ibid., fol.42 r° -45 v°.
[38] Ibid., fol.96 r°.
[39] Cf. Jacqueline Boucher, op.cit., p.210-211. Sur la relation politique qui unit les deux reines, il faut se remémorer la journée des Barricades et la négociation de l’Edit de Juillet, menée à la fois par Catherine de Médicis et Louise de Lorraine, pourtant éprouvées par le départ précipité du roi et le climat d’insécurité à Paris.
[40] Ms fr.2751, fol.182.
[41] Ibid., fol.182.
[42] Ms. fr.3473, fol.1 r°.
[43] Jacqueline Boucher, op.cit., p.311 -312. « Interrogé le 20 février 1590, Bourgoing nia être l’instigateur du crime. Il mit en cause un autre jacobin qui aurait poussé Clément à agir. Il s’agirait du P. Chantebien, du couvent de Sens, prédicateur expérimenté. Pourtant l’ambassadeur espagnol Mendoza, installé dans le Paris ligueur et bien informé, a écrit que Clément avait demandé à son supérieur, c’est à dire à Edme Bourgoing et Nicolas de Monte, si ce meurtre était licite. En dépit de ses tentatives pour esquiver toute responsabilité, Bourgoing fut condamné à la peine qui frappait les régicides. Il fut tiré à quatre chevaux le 23 février. Encore interrogé avant le supplice, il répondit : ‘Nous avons fait ce que nous avons pu et non pas ce que nous avons voulu’ ».
[44] Edouard Meaume, op.cit., p.177.
[45] André Favyn, Histoire de la Navarre, Paris, 1610, p.992.
[46] Ibid., p.992.
[47] Ibid., p.993.
[48] Ibid., p.993.
[49] Ibid., p.996.
[50] Ibid., p.995.
[51] Ibid., p.995.
[52] Ibid., p.995.
[53] Ibid., p.995.
[54] Ms fr.4748, fol.159 v°.
[55] Ibid., fol.164 v°-165.
[56] Ibid., fol.167.
[57] Ibid., fol.173 v°.