Rodolphe Lemaire et la manufacture de porcelaine de Meissen. Style extrême-oriental ou goût français ?
Geneviève Le Duc
Geneviève Le Duc, "Rodolphe Lemaire et la manufacture de porcelaine de Meissen. Style extrême-oriental ou goût français ?", dans Revue de l’Art, année 1997, volume 116, numéro 1, p. 54-60.
Extrait de l’article
Aux environs de 1730, la manufacture de porcelaine de Meissen adopta le style japonais « Kakiemon ». Cette orientation esthétique participait d’une tendance qui imprégnait, à l’époque, la plupart des arts décoratifs en Europe. Toutefois les circonstances particulières, qui prévalurent à la manufacture d’Auguste le Fort, suggèrent une certaine influence du goût français. Il semble que cette initiative d’imiter parfaitement le Japon soit directement imputable à un marchand verrier-faïencier parisien privilégié du Roi, Rodolphe Lemaire.
Le goût des Européens pour le « la-chinage » - appellation générique du Grand Siècle pour toute forme d’exotisme oriental - est une longue histoire remontant au moins au XIIIe siècle. Il ne prit cependant toute son ampleur qu’aux alentours de 1700. Nourris par les récits de voyages, ceux des missionnaires, des ambassadeurs ou des aventuriers et par l’importation sans cesse grandissante d’épices, de laques, de soies, d’indiennes ou de porcelaines, les Occidentaux devinrent alors familiers de l’Orient lointain.
La porcelaine, matière exotique entre toutes, dont les procédés de fabrication demeurèrent longtemps mystérieux, avait tout pour cristalliser aux yeux des collectionneurs le mythe des Indes. D’abord réservées à une élite royale et princière, les porcelaines envahirent bientôt le marché de l’art européen et il devint loisible à tout amateur fortune de constituer une collection, parfois dans un cabinet de curiosités. Au XVIIIe siècle la porcelaine devint l’emblème d’un nouvel art de vivre, dont le goût pour l’exotisme était une composante essentielle.