"David contre David". Réflexions sur un colloque
Donna M. Hunter
Hunter, Donna M., "David contre David". Réflexions sur un colloque, dans Revue de l’Art, 1991, Volume 91, p. 68-70.
Extrait de l’article
Le titre du colloque sur Jacques Louis David organisé en 1989, « David contre David », supposait un antagonisme : il s’agissait en quelque sorte de dresser David contre lui-même, comme s’il y avait une dissension interne dans sa personne ou dans son art, ou comme s’il y avait eu deux David. Etant donné les débats de ces dix dernières années sur la sensibilité politique de David autour de la période de 1789 et sur la question plus litigieuse encore des éventuelles répercussions de cette sensibilité sur son art, l’affrontement de deux David pourrait passer pour une allusion à l’affrontement très réel des interprétations — et des interprètes — de l’artiste sur ce point. Mais on a également opposé David à David en raison d’une divergence d’opinion beaucoup plus fondamentale sur le juste équilibre entre interprétation et fait irréfutable, entre ce que l’on a appelé « extrapolation » et « circonspection ». Le différend s’est déclaré grosso modo sur des bases nationales et institutionnelles : c’est un différend, tantôt constructif tantôt pas, qui met en jeu la nature même de l’analyse de l’art, voire de l’art lui-même. Alors que l’interprétation est devenue plus courante chez les universitaires des pays anglophones, en France, la documentation et l’information priment sous la forme de monographies et catalogues d’exposition rédigés par ceux qui travaillent pour les musées ou ont des liens étroits avec eux. Ce n’est pas un mince paradoxe si les modèles théoriques sur lesquels s’appuie ce que l’on a perçu comme « menace étrangère » sont, pour la plupart, importés de France : les œuvres de Barthes, Foucault, Lacan, Julia Kristeva, Derrida...