Commentaire critique de l’édition des ’Lettres de Catherine de Médicis’
Matthieu Gellard
Comment citer ce texte :
Gellard, Matthieu, Commentaire critique de l’édition des ’Lettres de Catherine de Médicis’, Paris, Cour de France.fr, 2013 (https://cour-de-france.fr/article2788.html). Article inédit mis en ligne le 1er juin 2013.
Extrait du texte
Table des matières
1. Les erreurs repérées dans la publication
2. Les lettres indiquées mais non imprimées
3. Lettres retrouvées dans les fonds d’archives ou dans d’autres publications
La correspondance de Catherine de Médicis a été imprimée entre 1880 et 1909 par deux éditeurs successifs, les comtes Hector de La Ferrière-Percy et Gustave Baguenault de Puchesse [1]. Ils ont exploité les fonds d’archives français (Bibliothèque Nationale de France, Archives Nationales, Service historique de la Défense, archives départementales et municipales et quelques fonds privés) mais aussi étrangers (British Museum et Record Office, Archives de Vienne, Archives du duché de Savoie à Turin et des Médicis à Florence et collection des autographes de Saint-Pétersbourg). Au total, la publication elle-même comprend dix volumes et regroupe 5 691 lettres [2]. Le premier volume couvre la période qui va des premières années françaises de Catherine de Médicis à la fin de la première guerre de Religion (1533-1563), les huit tomes suivants comprennent entre deux et cinq années de correspondance chacun jusqu’aux dernières lettres de la fin de l’année 1588 et le dixième volume reprend quant à lui toutes les lettres oubliées précédemment et retrouvées lors de la publication des neuf volumes précédents [3].
Cette entreprise éditoriale comporte, ce qui n’enlève par ailleurs absolument rien à ses grandes qualités, un certain nombre d’erreurs, d’imprécisions ou d’oublis. Certaines lettres sont ainsi publiées à plusieurs reprises ou à la mauvaise date (c’est l’objet de la première partie de ce document), d’autres sont seulement signalées en note (deuxième partie) et d’autres enfin ont été oubliées (troisième partie). Plusieurs publications, concomitantes ou ultérieures aux Lettres de Catherine de Médicis, ont déjà permis de réparer quelques oublis et Gustave Baguenault lui-même publie plusieurs lettres retrouvées après la parution du dixième tome [4]. L’objectif de ce document est de centraliser les références bibliographiques dans lesquelles se retrouvent des lettres de Catherine de Médicis, de signaler celles qui restent encore inédites et qui ont pu être repérées dans les archives et d’apporter toutes les corrections nécessaires à la publication d’Hector de La Ferrière et de Gustave Baguenault.
Ce travail a initialement été réalisé dans le cadre d’un doctorat intitulé Une reine épistolaire. Les usages de la lettre et leurs effets dans la politique diplomatique de Catherine de Médicis, 1559-1589 [5]. Les perspectives de cette recherche expliquent que les corrections et ajouts qui se trouvent ci-dessous concernent uniquement la période 1559-1589 et sont davantage centrés sur la correspondance de la reine mère avec les princes étrangers et les ambassadeurs français [6]. Ce document a toutefois vocation a être évolutif puisque « on retrouvera toujours des lettres de Catherine de Médicis [7] ». Dans ce cadre, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues et les erreurs ou oublis que les lecteurs voudront bien nous signaler seront pris en compte après vérification.
En définitive, les ajustements proposés ci-dessous permettent de parvenir à un total de 5979 lettres du 8 août 1559 [8] au 6 décembre 1588 [9]. En s’en tenant aux lettres référencées par les tables chronologiques qui se trouvent à chaque fin de tome [10], les dix volumes des Lettres de Catherine de Médicis proposent quant à eux 5691 lettres. Les 288 lettres supplémentaires issues du travail critique proposé ici sont en fait le fruit d’un travail de soustraction de celles qui sont insérées de manière abusive par Hector de La Ferrière et Gustave Baguenault et d’addition de celles qu’ils ne publient pas. Le nombre total des lettres concernées par les modifications contenues dans cette annexe est donc légèrement supérieur et concerne probablement environ 5% du corpus.
1. Les erreurs repérées dans la publication
Il existe donc un certain nombre d’erreurs tout au long des dix tomes publiés par Hector de La Ferrière et Gustave Baguenault. Tout d’abord, plusieurs dizaines de lettres environ ont été publiées deux voire trois fois. En effet, tous les tomes contiennent des appendices qui proposent des missives concernant la période couverte par le tome en question, mais ayant été découvertes trop tard pour être insérées au fil du texte dans l’ordre chronologique. Par ailleurs, les tomes 2 et 3 contiennent des appendices contenant les lettres appartenant aux périodes publiées dans les tomes précédents et découvertes ultérieurement, pratique abandonnée pour la suite de la publication, probablement au moment où s’est imposée la nécessité d’un tome entier consacré aux lettres retrouvées, ce que sera finalement le dixième tome. Or, toutes ces stratégies visant à la plus grande exhaustivité possible ont un revers : la republication de lettres déjà proposées et que les éditeurs ont cru nouvelles [11]. Il n’y a donc semble-t-il pas eu comparaison systématique avant l’impression dans les appendices ou dans le dixième tome. Il faut noter qu’une erreur de datation peut même entraîner que des lettres identiques soient publiées dans le même tome à quelques mois ou quelques années d’écart, l’exemple le plus flagrant étant celui de cette lettre de juin 1573 à Henri, duc d’Anjou et nouveau roi de Pologne, proposée dans le tome 4 et réimprimée deux fois en vis-à-vis aux pages 320 et 321 du tome 10. Sont donc signalées ci-dessous toutes les erreurs de ce type qui ont pu être relevées.
Par ailleurs – mais le problème suivant recoupe et explique en partie celui énoncé ci-dessus –, certaines dépêches sont publiées à une date erronée. Il s’agit parfois d’une erreur d’inattention, puisqu’à plusieurs reprises il est possible de constater une différence entre la date proposée en en-tête de la lettre et celle qui figure dans le corps de celle-ci (et qui figure donc dans le manuscrit). Toutefois, la plupart du temps, il s’agit de vraies erreurs de datation dues à un problème de retranscription depuis le manuscrit (inattention du savant ou difficulté paléographique) voire à une erreur qui remonte au copiste [12]. Outre le hasard, une inadéquation frappante entre le contenu et la date, ou la publication à deux ou trois reprises de certaines lettres, les indications de lieu mettent très souvent sur la voie de ce type d’erreurs. Même si la reine mère voyage énormément, les moyens techniques à sa disposition ne lui permettent pas encore de parcourir la France en tous sens en quelques jours. Ainsi, sa vitesse de déplacement reste encore relativement limitée. Le 13 novembre 1562, elle écrit par exemple : « m’estant enquise […] du chemin que je pourroys faire, au partir de Ponthoise, pour gaigner le bois de Vincennes en ung jour, j’ay trouvé que la traicte est si longue, pour y avoir neuf lieues [13], qu’il fault nécessairement que j’en face en deux jours [14] ». Voilà qui donne une idée de la longueur moyenne de ses trajets ; dès lors la mention, au milieu d’une série de lettres écrites de la même ville, d’un lieu éloigné paraît évidemment éminemment suspecte. Toutefois, cet indice présente aussi des limites. Tout d’abord, il faut remarquer que plus de 15% des dépêches ne mentionnent pas de lieu d’écriture. En outre, il faut se garder de tirer des conclusions trop hâtives. D’une part parce qu’il arrive à la reine de faire de très courts déplacements au milieu d’une longue période passée dans une de ses résidences habituelles : les lettres écrites lors de ces sauts de puce pourraient apparaître comme des erreurs mais n’en sont pas. D’autre part, parce que les secrétaires qui préparent le plus souvent ses lettres ne sont pas toujours avec elle, mais avec le roi, et qu’ils lui envoient probablement des plis qu’elle n’a plus ensuite qu’à signer, mais qui portent par conséquent non pas la mention du lieu où elle se trouve, mais celle du lieu où réside le roi ; ce cas de figure tendrait évidemment à être plus fréquent sous Henri III puisque sous Charles IX la reine mère se sépare rarement de son fils.
En définitive, il faut tenter de rétablir la bonne date aussi souvent qu’il est possible de le faire, en particulièrement en se référant au manuscrit ; lorsque la référence n’est pas précisée par les éditeurs ou lorsque le manuscrit n’est pas accessible – manuscrits endommagés ou se trouvant à l’étranger –, il peut-être intéressant d’utiliser le contenu de la lettre. Ne sont signalées ci-dessous que les lettres dont il a pu être établi avec certitude que la date proposée par les éditeurs était erronée. Il subsiste donc un certain nombre de lettres à propos de la datation desquelles existent des doutes, mais, ceux-ci n’ayant pu être prouvés, il n’en est pas fait mention ici.
Notes
[1] Hector de La Ferrière-Percy et Gustave Baguenault de Puchesse (éd.), Lettres de Catherine de Médicis, Paris, Imprimerie Nationale, 1880-1943, 11 volumes (LCM).
[2] Résultat obtenu à partir de l’addition des lettres mentionnés dans les tables chronologiques présentes à la fin de chaque volume. Du fait de l’imprécision de ces dernières – les tables du tome 10 oublient par exemple de référencer certaines des « lettres de 1554 à 1584 retrouvées pendant l’impression de ce volume » proposées aux p. 539 573 -, le chiffre de 5691 lettres est probablement légèrement minoré.
[3] Il faut y ajouter un index général qui constitue un onzième volume paru en 1943.
[4] Gustave Baguenault de Puchesse (éd.), « Vingt-sept lettres inédites de Catherine de Médicis », dans Bulletin philologique et historique, 1917, pp. 130-157, p. 130 157, ici p. 130. Il faut tout de suite remarquer que quatre de ces vingt-sept lettres avaient en réalité déjà été publiées : les lettres de fin avril 1564 à la reine de Navarre (se trouve dans LCM, tome 10, p. 545-546, du 22 avril 1568 à M. de Tavannes (se trouve dans LCM, tome 3, p. 138 avec quelques variations), du 28 février 1573 à M. de Gordes (se trouve dans LCM, tome 4, p. 175), du 10 novembre 1587 à M. de Saint-Gouard (se trouve dans LCM, tome 9, p. 277 278).
[5] Matthieu Gellard, Une reine épistolaire. Les usages de la lettre et leurs effets dans la politique diplomatique de Catherine de Médicis, 1559-1589, doctorat d’histoire, université Paris-Sorbonne, 2010 (en cours de publication).
[6] Il faut aussi signaler que seules les lettres à proprement parler ont été prises en compte, ce qui exclut par exemple les quelques mémoires ou lettres d’instruction qui figurent dans les Lettres de Catherine de Médicis.
[7] Gustave Baguenault de Puchesse (éd.), « Vingt-sept lettres inédites de Catherine de Médicis », art. cit., p. 130.
[8] Lettres de Catherine de Médicis à dona Juana, don Carlos et au duc de Florence du 8 août 1559, LCM, tome 1, p. 121 123.
[9] Lettre de Catherine de Médicis à Robert Miron du 6 décembre, 1588, LCM, tome 9, p. 394 395.
[10] Il a déjà été dit que ces tables sont erronées,.
[11] Ces lettres qui sont publiées à plusieurs reprises, le sont aussi bien à partir du même manuscrit qu’à partir de manuscrits différents (ce qui s’explique plus aisément). Il n’est d’ailleurs pas toujours possible de le savoir exactement, les éditeurs ne mentionnant pas systématiquement les références précises des lettres trouvées dans les archives étrangères, locales ou privées. Il semble en effet qu’une partie du travail de transcription était réalisé par des correspondants, comme le suggère la note concernant la lettre du 3 septembre 1578 au prince de Piémont, qui évoque le travail de Carlo d’Agliano dans les archives de Turin : LCM, tome 6, p. 36 (voir en particulier la note 1).
[12] Ou même au secrétaire : ainsi, la lettre du 30 août 1568 à Pomponne de Bellièvre est datée de La Rochelle, ce qui est totalement impossible car la reine mère se trouve à Boulogne à cette date-là. Baguenault, qui la prend sur un original, remarque que « la mention de “La Rochelle” doit être une erreur du scribe. » LCM, tome 10, p. 241 (voir en particulier la note 1).
[13] Soit une trentaine de kilomètres. Sachant qu’à l’époque, la distance qui sépare un relais de poste du suivant est de sept lieues.
[14] Lettre de Catherine de Médicis à Messieurs de Guise et de Montmorency du 13 novembre 1562, LCM, tome 1, p. 434. Daniel Norman propose des calculs plus précis à propos du grand tour de France de 1564-1566 : « La moyenne des étapes (excursions exclues) est un peu supérieure à 4 lieues (4,2), avec de très fortes variations : les distances les plus courtes d’1 lieue (3 étapes), les plus longues de 12 (1 étape, 11 (2), 10 (1). Dans la seconde partie de l’itinéraire, la cadence est plus rapide : avant Bayonne la moyenne (sur 108 étapes) est inférieure à 4 lieues (3,9), au-delà elle est de 4,5 lieues par jour (sur 93 étapes) ; après Châteaubriant elle est de 5,2 lieues (sur les 46 dernières étapes). Sur la Loire, en Berry, sur la route de Paris, la cour progresse à marches forcées. L’antépénultième et la pénultième étapes comportent respectivement 11 et 10 lieues. » Jean Boutier, Alain Dewerpe et Daniel Nordman, Un tour de France royal. Le voyage de Charles IX, 1564-1566, Paris, Aubier, 1984, p. 22. En définitive, il est possible de calculer que la cour voyage en moyenne 13 km par jour et peut accélérer le rythme jusqu’à 39 km, même si Daniel Nordman doute de la précision des indications d’Abel Jouan sur lequel il fonde ses calculs.