Bernard de Bonnard, gouverneur des princes d’Orléans et son Journal d’éducation (1778-1782)
Julia Dominique
Dominique Julia, "Bernard de Bonnard, gouverneur des princes d’Orléans et son Journal d’éducation (1778-1782)", dans Mélanges de l’école française de Rome, année 1997, volume 109, numéro 109-1, p. 383-464.
Extrait de l’article
Le choix du dossier ici présenté se rattache en réalité à une question plus générale : peut-on écrire une histoire de l’enfance, c’est-à-dire avons-nous aujourd’hui les moyens de retrouver des traces suffisamment détaillées pour suivre les modalités selon lesquelles se sont construites les identités enfantines des siècles passés ?
Autrement dit, est-il possible, avant l’invention de la psychanalyse, au début de notre siècle, de déchiffrer la genèse psychique des individus ? Les sources à cet égard ne sont pas légion et l’on comprend aisément pourquoi le Journal de Jean Héroard, médecin du dauphin Louis, futur Louis XIII, a constitué un Eldorado pour les historiens, surtout depuis sa redécouverte par Philippe Ariès en 1960, puis sa récente édition par Madeleine Foisil : scripteur infatigable de chaque journée du prince, du 28 septembre 1601 au 30 janvier 1628, date à laquelle la plume lui tombe littéralement des mains par suite de la maladie qui, au camp d’Aitré, devant La Rochelle assiégée, le conduira huit jours plus tard au tombeau, Jean Héroard nous a laissé en effet un témoignage tout à fait exceptionnel à partir duquel les historiens sont en mesure de construire des hypothèses vraisemblables sur l’enfance du dauphin.
Le dossier que nous ouvrirons aujourd’hui a trait à un segment oublié de l’enfance des fils de Louis-Philippe Joseph d’Orléans, plus connu par le surnom qui lui fut donné sous la Révolution, de Philippe Égalité. Après celle de Louis XIII, l’enfance des petits princes d’Orléans à la fin de l’Ancien Régime est sans doute une des mieux documentées de l’histoire et a déjà donné lieu à d’excellentes études.
Il n’est cependant pas inutile de revenir sur l’histoire de cette éducation princière. Le regard des historiens s’est en effet généralement focalisé sur la personnalité de Madame de Genlis pour une double raison.