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Des corps en perspective : les enfants royaux sous l’œil de leurs contemporains (France, XVIe-XVIIIe s.)

Stanis Perez

Stanis Perez, "Des corps en perspective : les enfants royaux sous l’œil de leurs contemporains (France, XVIe-XVIIIe s.)", Histoire culturelle de l’Europe, 2, 2017

Extrait de l’article

Quelle fut nostre admiration ? Quel fut le sentiment universel à la première observation de sa personne, & de ses gestes ? Que nous marquoit son ton de voix, son air, sa démarche, son asseurance, & ce visage serieux, sur un corps enfantin, qui dans sa petitesse faisoit déjà respecter sa grandeur ?

Quel corps plus exposé au regard d’autrui que celui de l’enfant d’une reine ? Cette affirmation tient tellement de l’évidence qu’elle risquerait, en préambule d’un article scientifique, de disqualifier son auteur par la banalité du propos. Dire ensuite que la cour est un microcosme ou la scène d’un spectacle permanent, relève également du truisme. Tout ceci, on le sait déjà, La Bruyère, Hippolyte Taine et Norbert Elias l’ont expliqué de façon convaincante. Pourtant, le sujet recèle un piège car il part du postulat selon lequel les enfants royaux sont d’emblée des souverains en puissance dont les premières années sont confisquées au profit d’un protocole rigide et aliénant. Ils n’auraient pas eu de véritable enfance, au sens où on l’entend aujourd’hui. Et puis, dans un second temps, ces êtres fragiles auraient pâti d’un excès de promiscuité, d’une nourriture inadaptée et de traitements dangereux qui, par un effet pervers, auraient raccourci leur espérance de vie : schématiquement, ceci correspond au modèle Louis XV, un chérubin sauvé in extremis car mis à l’abri des médecins et des saignées. En somme, on peut considérer qu’une grande partie de l’historiographie a balancé entre ces deux tendances. Ces petits princes auraient été pris en otage par le système monarchique et/ou curial ; ils auraient ensuite payé au prix fort l’excès d’attention dont ils étaient censé bénéficier plus que tous les autres. En un mot, ils n’auraient eu aucun espace de liberté, sinon aucune existence autonome tout dans leur quotidien étant assujetti à l’intérêt supérieur de la dynastie et de la Couronne.

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