Deux institutions de gentilshommes sous Louis XIII : Le Gentilhomme de Pasquier et L’Instruction du Roy de Pluvinel
Denise Carabin
Denise Carabin, "Deux institutions de gentilshommes sous Louis XIII : Le Gentilhomme de Pasquier et L’Instruction du Roy de Pluvinel", dans Dix-septième siècle, année 2003, volume 1, numéro 218, p. 27-38.
Extrait de l’article
En 1625 paraissent chez A. Nivelle, à Paris, les trois livres de L’Instruction du Roy en l’exercice de monter à cheval par messire Antoine de Pluvinel, conseiller en son Conseil d’Estat, Chambellan ordinaire et son Escuyer principal. Son auteur (1555-1620), Dauphinois, fut le premier écuyer d’Henri III. Après avoir été chargé de missions en Hollande, il fonda la première académie équestre en 1599 dans le faubourg Saint-Honoré, à Paris, avant d’être écuyer principal du futur Louis XIII. Il est, en quelque sorte, « adjoint » du gouverneur Gilles de Souvray. L’édition posthume de son ouvrage, qui eut lieu grâce aux bons soins de R. Menou de Charnizay, se présente sous forme de dialogue entre deux interlocuteurs principaux, le jeune Louis XIII et Pluvinel, l’élève et le maître, auxquels se joignent épisodiquement M. de Thermes et un Grand. Un recueil de planches illustrant les principales figures détaillées dans L’Instruction accompagne les leçons. L’ouvrage offre en avant-propos un court résumé pour chaque livre, le premier portant sur les qualités du cavalier et du cheval, le deuxième sur les moyens pour le dresser aux plus belles figures du manège, le troisième donne la méthode de dressage à certaines figures spéciales et se poursuit par des considérations générales sur l’instruction de la noblesse. Dans un article récent, M.-C. Mégret-Lacan montre les attaches de L’Instruction avec les dialogues de l’humanisme italien, tout en soulignant qu’elle demeure une « énigme ». Or elle peut être éclairée si elle est replacée dans le courant contemporain de philosophie morale, à dominante néo-stoïcienne, centrée sur l’institution du prince et des nobles.
Le genre humaniste de l’institution connaît, à l’occasion de la naissance de Louis XIII en 1601, un regain notable. À travers l’élève royal, dont la future fonction justifie les impératifs d’éducation, les auteurs cherchent à modeler le caractère et l’action des gens bien nés. D’autres concentrent leurs efforts sur les gentilshommes, même si, parfois, ils feignent de ne s’adresser qu’à leur propre famille, sans se priver d’émettre des vues sur la formation du souverain. Tous, témoins des guerres civiles du XVIe siècle, veulent éviter un retour au chaos. Aussi l’institution du début du XVIIe siècle, si elle conserve l’exigence morale (formation du caractère du sage vertueux, cultivé et maître de ses passions), se veut-elle plus réaliste et efficace que celles de la Renaissance.
Parmi les pédagogues du groupe néo-stoïcien, qui touche à la fois au monde de la République des Lettres et aux sphères du pouvoir, autour de Guillaume du Vair, garde des Sceaux, et de Gilles de Souvray, gouverneur du dauphin, citons le médecin de Louis XIII, Jean Héroard, auteur d’une Institution du prince, Adam Théveneau, Thomas Pelletier, précepteur du duc de Vendôme et auteur de La Nourriture de la Noblesse, et Le Gentilhomme de Nicolas Pasquier, qui parut en 1611, et dont le contenu est repris dans ses Lettres publiées en 1623. Fils de l’historien Estienne Pasquier, ce dernier fut maître des requêtes en 1595 et écuyer deux ans plus tard. Pluvinel et Pasquier, suivant l’exemple de Montaigne qui fut un des premiers à préciser le contenu des institutions destinées aux gentilshommes et l’exemple de La Noue, qui préconisa la création d’académies équestres aux frais de l’État, mettent en relief la finalité sociale et politique de l’art équestre, sur fond d’humanisme réactualisé. C’est la raison qui nous conduit à les isoler du groupe et à étudier les enjeux culturels et politiques de leur programme.