La figure du roi et le point de vue du poète. Fonctions de César dans ’Les Discours de Jules Cesar avant le passage du Rubicon’ d’Étienne Jodelle
Emmanuel Buron
Emmanuel Buron, La figure du roi et le point de vue du poète. Fonctions de César dans ’Les Discours de Jules Cesar avant le passage du Rubicon’ d’Étienne Jodelle, dans Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, n° 13, 2006.
Extrait de l’article
Parler des Discours de Jules Cesar avant le passage du Rubicon, d’Étienne Jodelle, dans le cadre d’un colloque sur César au Moyen Âge et à la Renaissance est à la fois évident et paradoxal. Évident, parce que le titre de ce poème indique d’emblée qu’il prend pour objet principal un épisode-clé de l’histoire du général romain. En outre, ce texte constitue la plus ambitieuse des entreprises poétiques du poète : selon Charles de la Mothe, qui préface les Œuvres et meslanges poetiques, édition des œuvres de Jodelle parue en 1574, un an après la mort de l’auteur, ce poème devait « monter à dix mille vers pour le moins ».
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Cette analogie permet de déduire la date du texte : si le roi est au bord du Rubicon, c’est que les guerres de religion sont sur le point d’éclater, et que l’armée royale est prête à partir en guerre contre les protestants. Cette situation renvoie au printemps de 1562, entre le massacre de Vassy (1er mars) et la prise d’Orléans par les protestants (2 avril)9. Si l’édit de Saint-Germain, du 17 janvier 1562, couronnant une année de négociations, a pu laisser espérer que le conflit pourrait être évité, le massacre de Vassy au printemps a dissipé cette illusion, et, dès lors, Jodelle pouvait sentir (voir « Car je sen »), sans être devin, que le roi aurait bientôt à franchir son Rubicon. À cette date, le roi, Charles IX n’a que 12 ans, et c’est une des fonctions du prologue que de justifier cette adresse à un roi enfant.