Cour de France.fr

Hauptseite / Geschichte und Funktion / Finanzen und territoriale Verwaltung / Moderne Studien / Comptabilité publique et innovation à la fin du Moyen Âge : les institutions (…)

Comptabilité publique et innovation à la fin du Moyen Âge : les institutions princières et l’émergence d’une culture numérique dans un ordre conservateur 

Jean-Baptiste Santamaria

Jean-Baptiste Santamaria, « Comptabilité publique et innovation à la fin du Moyen Âge : les institutions princières et l’émergence d’une culture numérique dans un ordre conservateur », Médiévales, 76, printemps 2019.

Extrait de l’article

« Faut-il dire cette chose honteuse que notre Chambre des comptes attendit au dix-septième siècle pour adopter les chiffres arabes, sans lesquels on ne peut faire le plus simple calcul ? » Si l’amalgame fait par Jules Michelet entre institution de contrôle et archaïsme a encore pu être accepté par Lucien Febvre, pour qui le calcul était assez secondaire dans la formation des gens des comptes, le lien est désormais bien établi entre « l’essor des institutions et l’amélioration des techniques administratives », selon les mots de Jean-Philippe Genet. La relation entre innovation institutionnelle et documentaire peut cependant s’avérer ambivalente dans une période où la novelleté fait figure d’épouvantail politique, et où l’innovation financière n’est guère revendiquée comme telle, mais promeut largement la compétence la plus pointue, faisant du maître des comptes un « expers et cognoissans en fait de compte » : les rapports des experts à l’innovation peuvent être ambigus, allant de l’utilisation de la nouveauté pour dominer à la défense des usages dont ils sont les maîtres. On peut donc s’interroger sur la nature du rapport entre innovation documentaire comptable et processus d’institutionnalisation de l’administration. Par innovation, on entendra la manière dont une réalisation technique nouvelle s’impose dans les usages, phénomène qui peut s’avérer lent et relève souvent bien plus de l’imitation d’usages d’un domaine ou d’un lieu à l’autre que de véritables inventions ; par institutionnalisation, on désignera l’action de transférer les fonctions exercées par des individus à une organisation collective, légitimée, normée par des règles, un processus qui connaît un pic avec la création des Chambres des comptes, en particulier au XIVe siècle. Les effets de cette institutionnalisation sur la documentation nous intéresseront d’ailleurs autant que les effets de l’évolution documentaire sur l’apparition de telles structures. L’analyse partira d’un constat : nombre de changements documentaires se sont faits en amont de ce basculement. Nous en viendrons ensuite aux effets de la mise en place de ces institutions, à leur rôle dans la diffusion de nouvelles pratiques, et enfin à leur attitude parfois hostile à l’innovation.

Bien avant l’essor des Chambres des comptes, c’est au XIIe siècle que la documentation comptable princière émerge, accompagnée de premières institutions : chambre apostolique romaine ; chambre des Renenghes flamande pour laquelle est rédigé le « gros brief » de Flandre ; échiquier et Pipe rolls anglais. Les réformes de Philippe Auguste pour assurer le contrôle financier précèdent d’ailleurs de peu les premiers comptes conservés (1202-1203). Une fois installées dans le paysage, ces institutions enracinent des pratiques documentaires qui se trouvent fossilisées, et peuvent devenir un obstacle à l’innovation. Face aux changements des modes de gestion et de nature des revenus, le « gros brief » de Flandre devient un document inadapté à la réalité financière de la Flandre de la seconde moitié du XIIIe siècle.

Lire la suite (Open Edition Journals)


In der gleichen Rubrik