Le roi dépensier. Le don, la contrainte et l’origine du système financier de la monarchie française d’Ancien Régime
Alain Guéry
Alain Guéry, "Le roi dépensier. Le don, la contrainte et l’origine du système financier de la monarchie française d’Ancien Régime", dans Annales, année 1984, volume 39, numéro 6, p. 1241 - 1269.
Extrait de l’article
« État gouverné par un roi » selon la définition de Littré, la monarchie est le type de régime politique qui a duré le plus longtemps en France. Entre le Xe et le XVIIIe siècle, un phénomène de si longue durée a connu des changements qui obligent aux différents moments de son évolution à se demander : quelle forme d’État, quel type de roi ? A la question posée par La Boétie à l’aube du développement en Europe de ce qu’il est convenu d’appeler l’État moderne — pourquoi les hommes acceptent-ils d’obéir à un seul ? — , l’historien ne peut qu’ajouter ses interrogations : pourquoi cet Un a-t-il pris cette forme monarchique, était-elle indispensable, ou simplement commode ? Comment s’est greffé et développé à partir d’elle l’État moderne en Europe, qui finit par limiter ou même supprimer la référence monarchique dans ses institutions comme dans l’exercice du pouvoir politique ? Mais les recherches de Michel Foucault nous ont habitué à ne plus parler du pouvoir comme s’il était un. Dans le tissu du discours qui permet la formation et le maintien de relations sociales émergent des mécanismes qui sont la mise en œuvre de pouvoirs. Le pouvoir est toujours pluriel, perpétuel, circulant en sens multiples dans le réseau des discours, son véhicule étant le langage. De ce point de vue le pouvoir ne sous-entend plus le seul pouvoir politique, ni même son extension à d’autres secteurs d’activités, agissant au moyen d’institutions codifiées dans un droit. Il est permanent et partout, fait historique dont le pouvoir politique n’est qu’une des modalités, parmi toutes les autres, dans l’ensemble des relations humaines.