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Une cité face aux crises

Françoise Michaud-Fréjaville

Françoise Michaud-Fréjaville, "Une cité face aux crises", dans Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, année 2005, numéro 12, p. 85-100.

Extrait de l’article

En l’année 1429, il y eut deux héroïnes vers lesquelles se tournèrent les regards et les espoirs de l’un et l’autre camp qui se partageaient alors le royaume de France : une femme et une ville. Ce fut en effet quand la nouvelle du siège d’Orléans parvint jusqu’à la châtellenie de Vaucouleurs que Jeanne d’Arc se sentit tous les courages pour accomplir sa mission, en allant dire qu’elle délivrerait la ville et que le Dauphin serait sacré.

La « grande et nottable ville et cite assise en passaige et frontiere sur la rivière de Loyre », son univers urbain – portes, murs, barrières, faubourgs, fossés – et son univers mental – craintes, espoirs, petitesses, travail acharné, flatteries, labeur quotidien – nous sont en partie dévoilés grâce à une très belle série de comptes épargnée par les désastres qui ont, au cours des siècles, frappé la ville dans ses bâtiments, son sous-sol et ses archives.

Pour les quarante années précédant la dure épreuve qui vit la capitale du duc Charles « moult oppressée et travaillée […], et en péril d’être mis[e] en la servitude et obéissance » par les troupes du comte de Salisbury, sont conservés 24 registres, couvrant chacun deux ans dont 14 pour la seule « forteresse ». Depuis 1384, les bourgeois d’Orléans peuvent se réunir, élire des procureurs, avoir un receveur, décider d’une imposition pesant non seulement sur la ville et ses faubourgs, mais aussi sur des paroisses qui sont de ses « prises et mises », comme Olivet ou Gémigny. L’emploi de ces revenus était soumis à une reddition de comptes devant un représentant de l’autorité, royale à l’origine puis ducale. Nous ne possédons que la comptabilité qui a suivi l’échange fait en juin 1392 par Louis, de son apanage de Touraine contre le duché d’Orléans, mais nous savons que pendant les années qui précédèrent, la ville leva des tailles affectées à une dépense précise. Dès sa prise de possession, le nouveau duc envisagea la possibilité d’obtenir du roi la levée d’une aide pour la remise en état de la forteresse. Il était bien évident pour le prince que l’accroissement de puissance ainsi acquis ne devait en rien obérer ses propres revenus ; les Orléanais semblent avoir été moins convaincus. À partir de 1400, et en raison des menaces liées à l’avènement des Lancastre, on finit par convenir de consacrer trois quarts de l’aide obtenue du roi sur « l’appetissement » de la pinte, à la remise en état de la fortification et au perfectionnement de « l’emparement » de la ville. À ce subside, primitivement d’un dixième puis d’un douzième, on adjoignit une imposition sur les maisons et les rentes des « forins », contribution très mal acceptée par les intéressés.

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