Une curiosité institutionnelle : l’administration du domaine de Versailles sous l’Ancien Régime
Vincent Maroteaux
Vincent Maroteaux, "Une curiosité institutionnelle : l’administration du domaine de Versailles sous l’Ancien Régime", dans Bibliothèque de l’École des chartes, année 1985, n° 2, p. 275-312.
Extrait de l’article
L’Ancien Régime ne faisait aucune distinction entre domaine de la Couronne et domaine de l’État ; ce dernier concept ne s’était individualisé qu’avec la Révolution, de sorte que, au XIXe siècle, le terme de domaine de la Couronne ne servait plus qu’à désigner la portion du domaine de l’État, désormais bien délimitée, dont le souverain avait la jouissance au titre de la Liste civile). Mais la question se posait aux juristes de savoir si le roi pouvait avoir un domaine privé séparé du domaine de la Couronne. Elle fut résolue par la négative avec l’édit de juillet 1607 réunissant les possessions personnelles de Henri IV au domaine de la Couronne, témoignage de l’identification complète du roi à son royaume.
Les domaines qui entouraient les résidences royales, quoique touchant personnellement au souverain, rentraient donc normalement dans l’administration ordinaire des domaines et bois.
Au plan financier, celle-ci était composée de receveurs généraux distincts des receveurs généraux des finances chargés du revenu des impositions ; ils centralisaient au XVIIIe siècle, dans le cadre des généralités, les fonds perçus par la ferme générale, à laquelle les domaines royaux furent affermés en bloc à partir du règne de Louis XIV, et par les maîtrises pour les bois. Ces derniers échappaient en effet à la règle de l’affermage en usage pour les domaines royaux ; ils avaient depuis longtemps leur administration propre : tribunaux, les maîtrises des eaux et forêts connaissaient des délits, mais elles avaient aussi à adjuger les coupes et surveiller l’exploitation. Le grand maître, qui coiffait plusieurs maîtrises avec chacune un maître particulier, était chargé de faire arrêter les coupes chaque année en Conseil et d’ordonner les ventes.