Aspects de la Cour de Sceaux au début du XVIIIe siècle
Georges Poisson
Poisson, Georges. Aspects de la Cour de Sceaux au début du XVIIIe siècle, Cahiers Saint-Simon, n° 24, 1996. Frontières de la Cour, p. 67-75.
Extrait de l’article
L’histoire du domaine de Sceaux à la fin du règne de Louis XIV et sous la Régence a été souvent étudiée, y compris par l’auteur de ces lignes. Mais l’on s’est surtout attaché à en souligner les côtés pittoresques et à en décrire les divertissements littéraires. Je voudrais essayer de relever les traits d’originalité de ce milieu durant un demi-siècle.
La figure essentielle de cette cour est évidemment Louise-Bénédicte de Bourbon-Condé, duchesse du Maine qu’il faudrait essayer de traiter avec une équité plus grande que celle de Saint-Simon. Humiliée pour la vie de son union avec un bâtard, tare que, seule dans ce cas dans la famille royale, elle ne sut jamais surmonter, elle avait de plus, dès le début de son mariage, été totalement déçue par son époux. Marquée par ces deux échecs qui sous-tendent toute sa vie publique, elle était indiscutablement caractérielle, égocentrique, mégalomane, tyrannique, versatile, superficielle : « Elle croit en elle, dira Mme de Staal-Delaunay, de la même manière qu’elle croit en Dieu et en Descartes, sans examen et discussion. Mais elle manifestait avec éloquence, servie par une mémoire hors du commun, une culture - peut-être initiée par La Bruyère - supérieure à celle de la plupart des princesses de son temps et une curiosité d’esprit qui l’apparente à Madame Palatine, même si l’on s’étonne d’une telle comparaison. Si la princesse a créé la cour de Sceaux (qu’elle transportait parfois dans ses autres résidences, les Tuileries, Anet, Clagny), c’est qu’elle était lasse de la mécanique vide de Versailles où elle s’estimait brimée par les rangs et préférait se trouver « parmi les livres et les savants », à « faire la déesse » comme dit Saint-Simon, organiser en somme la mise en scène de son pouvoir. Aucune princesse du temps n’a osé comme elle siéger en apparat sur un trône royal, il est vrai semé d’abeilles, emblème qui ne deviendra monarchique que par la grâce de Napoléon.