Basileus Anglorum. La prétention impériale dans les titulatures royales à la fin de la période anglo-saxonne
Arnaud Lestremau
Arnaud Lestremau, « Basileus Anglorum. La prétention impériale dans les titulatures royales à la fin de la période anglo-saxonne », Médiévales, 75, automne 2018.
Extrait de l’article
Bède le Vénérable présente l’Adventus Saxonum comme la migration de trois peuples : Jutes, Angles et Saxons. Après avoir chassé les Bretons, chaque peuple se serait alors divisé et aurait fondé plusieurs royaumes : Kent, Wight, East Anglie, Mercie, Deire, Bernicie, Wessex, Essex, Sussex, etc. En cela, l’histoire des premiers royaumes anglo-saxons s’inscrit dans l’héritage biblique tel qu’il fut transmis par Isidore de Séville, suivant lequel le monde est divisé en gentes. Dans l’idée de Bède, chaque gens dispose d’un territoire, d’un roi et d’un évêque. Aussi, pour légitimer ses prétentions à la tête d’une gens, au VIIIe siècle, chaque roi fit-il établir une généalogie prestigieuse remontant généralement à Woden. Autour de ces rois, disposant d’un « noyau de tradition », les royaumes se stabilisèrent, avant de se confronter avec brutalité jusqu’au début du IXe siècle. Les traditions généalogiques concurrentes et ces guerres incessantes témoignent de la force des sentiments identitaires dans l’Angleterre du haut Moyen Âge.
Bède le Vénérable a aussi fait entrer ces peuples dans l’histoire du salut. Pour ce faire, il a popularisé l’histoire de leur conversion, en insistant sur le rôle auquel leur nom les prédisposait : Angli/Angeli. De la sorte, une identité commune des peuples germaniques insulaires put émerger, avec comme fondements l’usage d’une même langue, une culture similaire, l’inscription dans les mêmes réseaux d’alliances matrimoniales, l’expérience commune de la migration et de la conversion, ou encore la reprise du cadre romain des provinces méridionales de l’île et l’opposition subséquente avec les populations celtiques occidentales et septentrionales.