Louise de Savoie, régente et mère du roi : l’investissement symbolique de l’espace curial
Aubrée Chapy
Chapy, Aubrée. Louise de Savoie, régente et mère du roi : l’investissement symbolique de l’espace curial, Réforme, Humanisme, Renaissance, n° 79, 2014, p. 65-84.
Extrait de l’article
Louise de Savoie, première femme à avoir été officiellement instituée régente par le roi de France, son fils François Ier, élabore dès son arrivée au pouvoir en 1515 la construction d’une figure politique inédite, celle de la régente, qui doit avoir pour miroir un personnage curial dont le rang corresponde à sa dignité de mère du roi. Louise, qui n’est ni reine, ni fille de France, fonde toute sa légitimité sur le sang partagé avec le souverain. Développant une véritable mystique de l’amour du roi et du royaume, elle est en quête d’exaltation pour son fils et pour elle-même, les deux étant intrinsèquement liés dans son esprit et dans la conception qu’elle a de son rôle à la tête de l’État.
Développant une véritable «théologie du sang royal », elle ancre sa légitimité dans sa qualité de mère du roi qui lui confère une dignité et presque une majesté tout à fait inédite puisque seule la reine la surpasse dans le protocole. Des religieux et hommes de lettres de son entourage, tels que François Demoulins et Jean Thénaud travaillent au service de la duchesse d’Angoulême afin de créer ce personnage tout à fait hors du commun qui investit l’espace curial par sa puissance politique et son autorité symbolique. En même temps, la cour est en pleine transformation, ne cessant de se féminiser. Cette présence de la mère de François Ier sur la scène cérémonielle correspond à une réalité politique du début du XVIe siècle, à savoir l’irruption des dames à la cour, qui a débuté dans le dernier quart du XVe siècle. Les femmes s’imposent par leur nombre dans un milieu jusque-là essentiellement réservé aux hommes, si bien qu’aux dires de Brantôme, « une cour sans dames est une cour sans cour » . Désormais, la cour joue un rôle fondamental dans la nouvelle conception et la représentation du pouvoir : il est d’autant plus important d’y occuper une place de premier plan. Il s’agit donc de se poser la question de savoir quels sont les contours de cette figure curiale au temps de sa genèse qui correspond à l’avènement de la femme de pouvoir qu’est la régente.