La force de l’âge : jeunesse et vieillesse au service de l’État en France aux XIVe et XVe siècles
Françoise Autrand
Autrand, Françoise, "La force de l’âge : jeunesse et vieillesse au service de l’État en France aux XIVe et XVe siècles", dans Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 129e année, N. 1, 1985. p. 206-223.
Extrait de l’article
« Qu’il esleut par le conseil des III estas aucuns grans, saiges et notables du clergié, des nobles et des bourgoys, anciens, loyaulx et meurs qui continuelment près de lui fussent et par qui il se conseillast, et que rien par les jeunes, simples et ignorans du fait du gouvernement du royaume et de la justice, il ne ordonnast »... Tel est le conseil donné à Charles, duc de Normandie et dauphin de Viennois, fils aîné du roi Jean alors prisonnier à Londres, par Robert Le Coq, évêque de Laon et pour le moment chef de l’opposition, qui lance ses violentes critiques contre le gouvernement et les serviteurs de l’État, dans un discours prononcé aux États généraux de langue d’oïl réunis à Paris, le 3 novembre 1356. Deux semaines plus tôt l’archevêque de Reims, Jean de Craon, n’avait pas épargné lui non plus le futur Charles V, proposant l’épuration des conseillers du jeune prince et rappelant que « monseigneur le duc qui si grant et si grosse chose a à gouverner à présent comme le royaume de France, ou quel estât il est, et qui est jeune de aage » a besoin avant tout de sages conseillers. Charles, il est vrai, n’avait que dix-huit ans, mais un peu moins de cinquante ans plus tard, en 1402 les descendants de ces grondeurs grommellent encore contre le duc Louis d’Orléans, âgé alors de trente ans, en disant que ce jeune homme « a meilleur mestier de gouverneur que de gouverner ».