Le renouvellement de la Paulette en 1648
Jérôme Janczukiewick
Jérôme Janczukiewick, "Le renouvellement de la Paulette en 1648", dans Dix-septième siècle, année 2002, volume 1, numéro 214, p. 3-14.
Extrait de l’article
La question du renouvellement de la Paulette fut une des causes immédiates de la Fronde parlementaire. Tous les historiens qui ont étudié cette période relatent la suppression par la Reine des quatre années de gages de la Chambre des Comptes, Cour des Aides et Grand Conseil et la préservation des intérêts du Parlement, afin de désunir les cours souveraines et de briser leur résistance face aux mesures fiscales. La politique royale provoqua au contraire l’union de ces compagnies le 13 mai 1648. Mais la suite de la question de la Paulette se perd dans le récit des événements politiques. Quelles furent les conditions de ce renouvellement ? L’examen de la législation royale montre un grand nombre de décisions tout au long de l’année 1648 et les changements de cap fréquents de la politique gouvernementale à l’égard des officiers. Ces derniers eurent aussi une attitude fluctuante, en fonction des décisions prises.
L’année 1647 s’était achevée par une longue série d’échecs pour le gouvernement qui n’avait pu imposer plusieurs édits bursaux au Parlement. Le Conseil décida donc d’utiliser le droit annuel pour faire pression sur les magistrats. En effet, depuis François Ier, les officiers qui résignaient devaient survivre quarante jours après leur résignation pour que celle-ci fût valable. En cas de décès avant l’expiration de ce terme, l’office était déclaré vacant par mort et revenait au Roi et la famille de l’officier se trouvait privée de la charge. Grâce à la déclaration du 12 décembre 1604, appelée aussi édit de Paulet, les officiers furent dispensés de la règle des quarante jours moyennant le paiement annuel du soixantième de la valeur à laquelle chaque office serait taxé au Conseil. En cas de résignation, si l’officier mourait avant le quarantième jour, l’office, ou sa valeur si l’officier avait résigné en faveur d’un étranger, restait à sa famille. De plus, la taxe de résignation n’était que du huitième de la valeur de l’office au lieu du quart, et si l’officier décédait sans avoir résigné, sa charge demeurait à sa famille qui pouvait en disposer librement. Établie d’abord pour six ans, puis pour neuf ans à partir de 1620, la Paulette ne pouvait être reconduite sans la volonté du Roi. Ainsi Louis XIII, par sa déclaration du 6 octobre 1638, avait-il octroyé la poursuite du droit annuel pour neuf ans, jusqu’au 31 décembre 1647. C’était un moyen de pression redoutable pour le gouvernement qui pouvait remettre en question l’hérédité des offices et le Parlement mit momentanément une sourdine à son opposition en ne délibérant pas sur l’exécution des édits proposés par Particelli et lourdement modifiés, car durant l’attente du rétablissement du droit annuel « toutes choses sont dans un grand calme ». En effet, le Conseil voulait rendre le Parlement plus conciliant et lui faire accepter un nouveau programme fiscal qui remplacerait les édits repoussés fin 1647. Dès le 1er janvier 1648, Particelli convoqua Omer Talon pour lui annoncer la venue du Roi au Palais et quatre jours plus tard le cardinal Mazarin reparla du projet à l’avocat général qui estima « qu’il devoit donner le droit annuel au Parlement, afin d’adoucir les esprits, lesquels étoient irrités sur ce chapitre, considérant que la rupture du droit annuel les mettoit en peine, et que le Roi n’en recevoit aucune utilité ». Au contraire, Mazarin désirait se servir du droit annuel, qui était « un mal à présent nécessaire, mais qu’il étoit à propos que l’espérance de l’obtenir servît à quelque chose, et pût modérer les esprits ; que M. le président de Mesmes n’étoit pas d’avis de le donner, jusque à ce que toutes les affaires du Roi fussent faites ». Mais cette politique qui visait d’abord le Parlement touchait l’ensemble des officiers et le Conseil eut une attitude variable, réservant un sort inégal à ceux-ci.