Haïr Madame de Maintenon aujourd’hui comme hier ?
Pierre-Eugène Leroy
Leroy, Pierre-Eugène, Haïr Madame de Maintenon aujourd’hui comme hier ?, Albineana, Cahiers d’Aubigné, 10-11, 1999. Autour de Françoise d’Aubigné Marquise de Maintenon. Tome I. Actes des Journées de Niort 23-25 mai 1996, sous la direction de Alain Niderst ; p. 147-166
Extrait de l’article
« Mme de Maintenon a occupé les meilleures plumes et elle a été dangereuse à tous ceux qui lui ont consacré leurs études ; elle les a tous aveuglés ; haïe des uns, admirée des autres, elle n’a été jugée par personne », écrit Alfred Baudrillart, le futur cardinal-académicien, au début d’un de ses premiers travaux ; près de deux cents pages plus loin, il conclut son étude avec hauteur : « A notre avis, Mme de Maintenon est un personnage de second ordre (...) pour notre part nous ne trouvons de persistant [en elle] (...) qu’un certain zèle actif [ayant] pour mobile tantôt l’orgueil, tantôt la foi (...) ; on l’a accusée de froideur et de calcul (...) c’est ce qui fait que nous ne l’aimons point. Que la fleur se fane d’elle-même ou par le soleil, ou par la pluie, qu’importe ; quand elle est flétrie, elle a cessé de plaire. »
Par leur ampleur de vue et la qualité même de leur formulation, ces deux extraits résument la question des sentiments particuliers, et forcément outrés, qui s’attacheraient à la personne de Mme de Maintenon ; ils expriment bien le malaise, si souvent ressenti devant ce personnage hors du commun, « unique au monde » d’après Mme de Sévigné. C’est ce caractère propre qui pousserait certains à émettre des avis dans lesquels la passion entrerait de façon nécessaire. L’objectivité serait impossible, et l’érudit, comme le simple amateur d’histoire, serait condamné à haïr ou à justifier de façon outrancière. Par un philtre particulier Françoise d’Aubigné aveuglerait qui l’approche.