La trahison chez Brantôme
Hélène Germa-Romann
Germa-Romann, Hélène, La trahison chez Brantôme, dans Seizième Siècle, n° 5, 2009, p. 21-32.
Extrait de l’article
Il y en a aucuns qui tiennent que, comme la trahison ne peut estre assez punie, aussi l’ingratitude ne peut estre assez blasmée et en horreur à tout le monde, estimans ces deux vices si conjoincts ensemble que l’on peut dire que tout traistre est ingrat ; car comme le traistre n’est autre chose que faillir de foy promise ou deue à une personne, aussy estre ingrat n’est autre chose que faillir à l’obligation que l’on a et se doibt à cause d’un plaisir.
Cette citation de Brantôme, l’une des rares qu’il consacre au sujet de la traîtrise, résume parfaitement sa pensée. Cela s’explique par le fait qu’il n’envisage les relations entre gentilshommes que par le prisme de la féodalité. Certes, cela n’est plus vraiment de son temps, mais cette propension à faire référence à des valeurs chevaleresques qui semblent d’un autre âge est un de ses traits de caractère. Témoin privilégié d’un monde en mutation, il se raccroche à des certitudes héritées du passé qui le réconfortent. À son habitude, il accumule les références, multipliant les sources et les origines pour accréditer ses dires ; ici, en l’occurrence, cette citation fait référence au plus célèbre des traîtres : Judas.