Mécène et Séjan. Sur la figure du favori au XVIIe siècle
Delphine Amstutz
Amstutz, Delphine. « Mécène et Séjan. Sur la figure du favori au XVIIe siècle », Dix-septième siècle, vol. 251, no. 2, 2011, p. 333-350
Extrait de l’article
La Fable travaille l’Histoire durant tout l’Ancien Régime. Elle s’en détache peu à peu et la distinction des deux termes, si tant est qu’elle ne soit une illusion positiviste, n’est acquise qu’au XIXe siècle.
C’est après la mort sensationnelle de Concino Concini que la « Fable du favori » s’invente, se diffuse et s’autorise. D’abord arme polémique, elle s’impose progressivement comme un instrument de compréhension historique, un schème incontournable de la pensée politique, une image littéraire. Elle emprunte de préférence à l’historiographie antique ses modèles narratifs, qu’elle hausse au statut d’exempla positifs ou négatifs. Les destinées opposées de Mécène et Séjan, le favori estimé d’Auguste et le favori déchu de Tibère, offre à ce titre un cas singulier mais caractéristique. La « Fable du favori » dégage en effet de personnes historiquement attestées, des personnages emblématiques, susceptibles de hanter la mémoire collective. Sans prétendre établir une typologie exhaustive des relations critiques entre Fable et Histoire à l’âge classique, nous espérons cependant mettre en évidence le processus par lequel la « Fable du favori », extraite de son substrat historique originel, se divulgue massivement durant le règne de Louis XIII sous les espèces d’une légende décolorée, qui peut toutefois retrouver, occasionnellement, une ouverture herméneutique et axiologique, quand elle se fait l’objet d’une utilisation heuristique (dans les traités tacitistes par exemple), d’une mise en scène équivoque (avec les pièces de Cyrano de Bergerac ou Magnon) ou d’une figuration réflexive (dans les essais de Guez de Balzac).