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Cachez ces nippons… Ou Marie-Antoinette au pays des mangas

Michel Vovelle

Michel Vovelle, « Cachez ces nippons… Ou Marie-Antoinette au pays des mangas », Annales historiques de la Révolution française, 368, 2012, 129-136.

Extrait de l’article

C’est un article du Monde en jan­­vier 2011 qui a piqué ma curio­­sité au point de m’inci­­ter à l’achat oné­­reux des trois volumes (2 200 pages) de la tra­­duc­­tion fran­­çaise d’un manga japo­­nais, une lec­­ture qui ne m’est point fami­­lière : j’ai tort sans doute, car mes petites-­filles l’ont lu ou feuilleté, le fils d’un de mes amis savait qu’il s’agis­­sait d’un manga « pour jeunes filles ». En adulte avancé, je me suis appli­­qué à cet appren­­tis­­sage, au ser­­vice de l’His­­toire. Car c’est une évo­­ca­­tion his­­to­­rique que nous pro­­pose « La rose de Versailles » (Versailles no bara), œuvre d’une auteure japo­­naise, Riyoko Ikeda, appa­­rem­­ment de renom­­mée inter­­na­­tionale même si les pré­­cé­­dents essais d’intro­­duc­­tion de sa fresque en adap­­ta­­tion fran­­çaise (films, télé) n’ont pas laissé de grandes traces. L’ouvrage ne date pas d’hier, sa pre­­mière ver­­sion en langue ori­­gi­­nale remonte à 1972, une pre­­mière édi­­tion fran­­çaise se serait faite en 2002, la sor­­tie actuelle accom­­pa­­gnée de mani­­fes­­ta­­tions dis­­crètes mais de haut niveau sera-­­t-elle déci­­sive ? Riyoko Ikeda, à 63 ans, a inter­­prété en jan­­vier 2011 au théâtre royal de Versailles des textes de la reine Marie-­Antoinette en spec­­tacle privé. L’article du Monde en prend l’allure d’un geste de défé­­rence, mais il tombe bien, dans un contexte sou­­tenu de Toinettomania sou­­te­­nue. En mars 2011 encore, Madame Figaro, une réfé­­rence, a consa­­cré une rubrique four­­nie à la mode Marie-­Antoinette. Sur le sou­­ve­­nir des ber­­ge­­ries du Petit Trianon, voici un engoue­­ment bobo-­écologique qui s’inves­­tit dans les rési­­dences et jar­­dins où le souci du bon goût s’asso­­cie à un régime ali­­men­­taire à la fois sain et dis­­tin­­gué, comme à une mode ves­­ti­­men­­taire et à un ameu­­blement d’époque. Un ques­­tion­­naire de plu­­sieurs dizaines de ques­­tions per­­met de tester le degré de votre affi­­nité avec l’esprit de Marie-­Antoinette. En ces mêmes semaines de mars, la télé­­vi­­sion (Arte) pro­­je­­tait à nou­­veau le film Marie-­Antoinette de Sofia Coppola, sorti en 2006 sur les écrans fran­­çais peu après les États-­Unis, et qui y a obtenu un suc­­cès esti­­mable sans être sans doute à même de riva­­li­­ser avec les super­­pro­­duc­­tions de son pays, appor­­tant tou­­te­­fois une touche de non-­conformisme fémi­­niste. Passé sur le petit écran, le voici adopté comme un clas­­sique tout en « rajeu­­nis­­sant » les cli­­chés reçus.

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