Clovis dans quelques histoires de France de la fin du XVe siècle
Franck Collard
Franck Collard, "Clovis dans quelques histoires de France de la fin du XVe siècle", dans Bibliothèque de l’Ecole des chartes, année 1996, vol. 154, n° 154-1.
Extrait de l’article
Dans une lettre adressée en juin 1479 au futur chancelier de Notre-Dame, Ambroise de Cambrai, le trinitaire humaniste Robert Gaguin se plaint de l’obscurité dans laquelle sont tenus les grands rois de France. Faute d’historiens éloquents qui rénovent l’écriture de l’histoire de France et propagent au loin sa grandeur, les viri illustres que sont les monarques français demeurent condamnés à être mal connus et donc mésestimés, eux dont la gloire ne le cède pourtant en rien aux Césars. Parmi ceux qui « ont accru l’Etat » (qui rem publicam auxerunt), Gaguin signale spécialement Clovis à l’attention de son correspondant. Il reflète ainsi la place importante qu’occupe le premier roi chrétien des Francs dans la pensée historique et politique de la deuxième moitié du XVe siècle, en même temps qu’il souligne la volonté d’un homme de lettres, très attaché à la royauté et à son éclat, de rénover l’historiographie de Clovis en transmettant mieux la mémoire jugée obscure et embrouillée de ses actes.
Rédigée alors que la construction médiévale de la « nation France » est en voie de parachèvement, tandis que les courants culturels de l’humanisme imprègnent une partie des penseurs du royaume et leur suggère une rénovation historiographique, la lettre de Gaguin invite à examiner la transmission du souvenir de Clovis, la place et l’image de ce roi dans la production historique française des années 1450-1500.