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Enterrer ou entériner ? Louis XIV devant Montesquieu et Voltaire 

Myrtille Méricam-Bourdet

MÉRICAM-BOURDET Myrtille, « Enterrer ou entériner ? Louis XIV devant Montesquieu et Voltaire », Dix-septième siècle, 2015/4 (n° 269), p. 657-670.

Extrait de l’article

« Le Monarque qui a si longtems régné n’est plus. Il a bien fait parler des gens pendant sa vie ; tout le monde s’est tu à sa mort. » Trois jours à peine après son décès, le Persan Usbek relate à Rhédi la mort de ce souverain dont il s’étonnait, deux ans auparavant, qu’il soit si « vieux  ». Si l’événement fait date et partage évidemment le récit d’un point de vue chronologique, il ne suscite néanmoins pas de longs commentaires. Silence mimétique du Persan qui, après avoir jasé sur les « contradictions » impossibles à résoudre de Louis XIV, adopte le même respect que les Français devant la fermeté et le courage auxquels Usbek rendrait hommage ? Ou bien façon de signifier qu’il n’est plus grand-chose à en dire dans la mesure où l’on procéda symboliquement à son enterrement dès le lendemain par la cassation de son testament ? La lettre 89 [92] est d’ailleurs principalement consacrée à ce détail des péripéties qui entrent ironiquement en résonnance avec la volonté despotique du monarque dont témoignait la lettre 35 [37]. Dans les deux cas, la perspective critique est évidente et il n’est peut-être pas nécessaire au romancier de revenir sur un règne dont le bilan paraît avoir été dressé comme par avance dès cette première lettre sur Louis XIV.

La fiction épistolaire ne s’attarde pas sur les détails, ou plutôt elle met en avant certains traits particuliers pour mieux en tirer des conclusions générales : c’est là peut-être le style de Montesquieu, et les Lettres persanes offrent possiblement ici l’exemple d’un moule qui sera repris dans d’autres écrits postérieurs qui examinent la figure du monarque et dressent un bilan post-mortem du règne. Montesquieu ne s’est-il d’ailleurs pas rêvé historien du règne de Louis XIV ? Le manuscrit des Pensées consigne dans les années 1730 des notes destinées à nourrir le projet d’une « histoire de France », où Montesquieu avoue avoir « songé a faire celle de Louis 14 ».

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