La crédibilité d’anecdotes d’Aubigné sur Henri III et sa cour
Jacqueline Boucher
Boucher, Jacqueline, La crédibilité d’anecdotes d’Aubigné sur Henri III et sa cour, Albineana, Cahiers d’Aubigné, 16, 2004. Les anecdotes dans l’œuvre d’Agrippa d’Aubigné, sous la direction de Marie-Madeleine Fragonard et Gilbert Schrenck, p. 121-138.
Extrait de l’article
En 1618, dans une lettre à Lomenie, Aubigné a affirmé avoir voulu oublier dans son Histoire universelle les passions et les violences de sa jeunesse. Les anecdotes sur le dernier Valois et sa cour qu’il y a placées ont-elles plus de valeur historique que celles de Sa Vie à ses enfants, qui a les caractéristiques de mémoires, c’est-à-dire d’embellir les souvenirs de l’auteur, ou que celles de la Confession de Sancy, oeuvre polémique si violente qu’elle ne fut pas publiée de son vivant ? Six exemples donnés ici nous instruiront sur ses procédés d’écriture.
Le détournement d’épisodes de cour
LES MALHEURS DU JEUNE NOAILLES
Dans la Confession de Sancy, on trouve une anecdote semblable à celle que L’Estoile a donnée à la date du 26 mai 1575, donc à un moment où Aubigné était à la cour de France dans la suite du roi de Navarre. Le jeune Noailles (1560-1585), devant un public complaisant, faisait sa cour à la princesse de Condé, jeune veuve du premier prince de ce nom, en chantant langoureusement, accompagné du luth :
« Je ne vois rien qui me contente,
Absent de ta divinité »
Le futur Henri IV en riant termina le couplet à sa façon :
« Appelez tous ainsi ma tante,
Qui aime tant l’humanité ! »
L’Estoile a reproduit ces derniers vers avec une légère variante qui ne les dénature pas. La suite qu’il en a donnée est bien différente des conséquences, selon Aubigné, de ce petit épisode. Vite informé, Henri III rit beaucoup de ce trait d’esprit de son beau-frère et souhaita que les huguenots ne s’amusent qu’à cela.