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La grandeur à l’épreuve de la mort : à propos de l’oraison funèbre de Louis XIV par Massillon
Stéphane Macé
MACÉ Stéphane, « La grandeur à l’épreuve de la mort : à propos de l’oraison funèbre de Louis XIV par Massillon », Dix-septième siècle, 2015/4 (n° 269), p. 623-632.
Extrait de l’article
Considéré comme l’un des plus grands prédicateurs du royaume de France, Jean-Baptiste Massillon doit essentiellement sa notoriété aux sermons des deux cycles du Petit Carême et du Grand Carême. Ses oraisons funèbres, assez peu nombreuses, n’ont pas tout à fait bénéficié du même succès et le jugement sévère de Chateaubriand semble avoir prévalu :
Massillon a fait quelques oraisons funèbres ; elles sont inférieures à ses autres discours. Son Éloge de Louis XIV n’est remarquable que par la première phrase : « Dieu seul est grand, mes frères ! » C’est un beau mot que celui-là, prononcé en regardant le cercueil de Louis XIV
Ce raccourci, sans doute assez injuste, est néanmoins très éclairant. Si l’on excepte le chapitre que Francis Assaf a consacré aux oraisons funèbres prononcées en l’honneur de Louis XIV, dans le cadre de son étude plus générale de la « thanatographie » du souverain, bien peu de commentateurs ont pris en compte l’ensemble du discours prononcé par Massillon : encore le critique s’en tient-il à son objet principal, l’étude de l’imaginaire politique et idéologique que mobilise (et nourrit à son tour) le vaste corpus de textes produit à l’occasion du décès de Louis XIV. On se contente généralement de citer cette formule brillante, ce « beau mot » si provocateur en apparence, sans véritablement en interroger les résonances à l’échelle du discours lui-même. Guère plus diserts, les concepteurs anciens de manuels de rhétorique « découpaient » parfois de larges extraits de l’oraison funèbre de Louis XIV pour donner à lire aux élèves quelques belles réussites, notamment dans l’art du portrait ou dans l’exercice du style pathétique. C’est là minimiser fortement l’importance d’une construction rhétorique savante, qui invite de façon provocante et paradoxale, à méditer sur la notion de grandeur. C’est cette logique globale qu’au-delà de la simple fulgurance stylistique, nous aimerions questionner ici.
