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Le sang malade de Marie-Antoinette dans les sources des mémorialistes : comment déconstruire une écriture de la Terreur ?

Cécile Berly

Berly, Cécile « Le sang malade de Marie-Antoinette dans les sources des mémorialistes : comment déconstruire une écriture de la Terreur ? », Dix-huitième siècle 1/2008 (n° 40), p. 469-483.

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L’historien qui essaie de reconstituer la préparation à la mort de Marie-Antoinette puis le déroulement de son exécution, dispose de peu de sources contemporaines qui, de plus, se contredisent toutes. Un fait qui pourrait passer pour détail est simplement signalé ou passé sous silence : la reine aurait souffert d’abondantes hémorragies depuis de longs jours, bien avant que son procès ne commence.
Marie-Antoinette est la veuve de Capet depuis le 21 janvier 1793, une mère séparée de son jeune fils — Louis XVII — depuis le 3 juillet, puis privée de la compagnie de sa fille et de sa belle-sœur Madame Élisabeth, transférée dans la nuit du 2 août, de la prison du Temple à celle de la Conciergerie. La reine est également soumise à un certain nombre d’épreuves psychologiques et physiques qui auraient pu, d’après les mémorialistes, se traduire en souffrances physiologiques, par exemple en hémorragies considérées comme une suite assez logique d’une succession de vives émotions entretenues dans un climat révolutionnaire particulièrement hostile à la reine.
Formuler une triple problématique — historique, anthropologique, symbolique — à partir de la présence tue, suggérée ou longuement développée du sang hémorragique par la confrontation des écrits de mémorialistes, autorise-t-elle le questionnement historique ? Autrement dit, l’historien peut-il considérer ce sang malade comme un objet historique ? Dans quel champ scientifique cette étude gynécologique doit-elle être classée ?
Est-il possible pour l’historien de trouver dans les sources la preuve sûre et irréfutable de la perte continuelle de sang impur de la reine ? Doit-on accepter ces hémorragies comme un fait fantasmatique, une sorte de délire de quelques personnages qui ont pu (ou non) approcher Marie-Antoinette dans ses derniers moments ? Ou doit-on, à défaut de pouvoir établir de façon définitive ce fait, les considérer comme plausibles et en analyser les répercussions symboliques et leur utilisation narrative et historiographique dans la construction de la mémoire de la reine et, surtout, dans l’écriture de l’histoire de la Révolution pendant la Terreur ?

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