Les destinataires et les intentions de Grégoire de Tours
Sébastien Filion
FILION Sébastien, « Les destinataires et les intentions de Grégoire de Tours », Le Moyen Age, 2019/2 (Tome CXXV), p. 405-419
Extrait de l’article
Les Histoires de Grégoire de Tours forment l’une des sources les plus importantes à propos de la Gaule mérovingienne et sont, en conséquence, étudiées depuis longtemps. Bien qu’il soit reconnu depuis déjà plusieurs années que Grégoire avait des objectifs précis et qu’il ne désirait pas simplement présenter aléatoirement des évènements de son temps, il n’existe encore aucun véritable consensus à propos de ses intentions. Cette importante diversité d’opinions s’explique notamment par la difficulté d’établir la chronologie de la composition des Histoires ainsi que les principaux destinataires ciblés par Grégoire. C’est pourquoi cet article vise à démontrer que Grégoire de Tours s’adressait principalement aux fils de Childebert II afin de les exhorter à ne jamais recourir à la guerre civile pour régler leurs différends. Pour cela, je souhaite d’abord soutenir l’hypothèse, déjà suggérée par A. Murray, selon laquelle les Histoires ont été rédigées entre la défaite de Gondovald en 585 et la mort de Grégoire en 594. Il sera ensuite démontré pourquoi les fils de Childebert II étaient vraisemblablement les principaux destinataires ciblés par Grégoire pour finalement présenter, à l’aide de l’exemple de la préface du début du cinquième livre, certaines des stratégies employées par l’évêque de Tours pour convaincre son auditoire de la nocivité de la guerre civile.
Afin de déterminer quels étaient les principaux objectifs de Grégoire, il est nécessaire de définir, dans la mesure du possible, la chronologie de sa rédaction. S’il existe un certain consensus à propos de la diffusion très tardive, et vraisemblablement post mortem, de son œuvre, il est important de préciser si les Histoires ont été écrites au moment où se déroulaient les guerres civiles ou seulement après la fin de ces dernières suite à la défaite de Gondovald en 585 et de manière plus solennelle avec le traité d’Andelot en 587 .